AIMÉE LALLEMENT (1898 – 1988), militante de l'olympisme féminin et "juste parmi les nations"

Le convent national de la Fédération française du DROIT HUMAIN qui s’est tenu en 2022 à Reims a été l’occasion de mettre à l’honneur la soeur Aimée Marie Éléonore Lallement, membre éminente du DROIT HUMAIN dans cette localité. Cette sœur Rémoise, membre de la loge n° 963 « Le Niveau », a un parcours remarquable dans le sport et la résistance.

Publié le 17 juillet 2023Mise à jour le 2 mai 2024

Sommaire

    Le convent national de la Fédération française du DROIT HUMAIN qui s’est tenu en 2022 à Reims a été l’occasion de mettre à l’honneur la soeur Aimée Marie Éléonore Lallement, membre éminente du DROIT HUMAIN dans cette localité. Cette sœur Rémoise, membre de la loge n° 963 « Le Niveau », a un parcours remarquable dans le sport, la résistance

    Une femme engagée

    • Née le 16 août 1898 à Givet (Ardennes) dans une famille d’instituteurs, elle suit ses études et devient institutrice.
    • En dehors de son travail, Aimée s’engage dans la pratique sportive et dans l’action militante, en particulier pour le droit des femmes.
    • Membre de la SFIO, puis du Parti Socialiste à partir de 1969, elle fréquente notamment Irène Joliot Curie et Cécile Brunschvicg, qui deviendront ministres du gouvernement de Léon Blum.
    • Elle milite très tôt pour l’égalité des femmes, s’inspirant du modèle en Finlande, Norvège et Danemark où les femmes avaient obtenu le Droit de vote des femmes à partir de 1906.
    • Elle est au niveau local impliquée comme présidente des Droits de l’Homme, du Comité départemental d’action laïque et des Aides ménagères rémoises. Elle crée l’Association Familiale Laïque qu’elle anime jusqu’à sa mort, anime la section locale de la Libre-Pensée. Son activisme ne s’arrête pas aux réalisations, elle s’est présentée avec Gilles Quénard en 1971 aux élections municipales dans une liste qui présage ‘l’Union de la gauche face au ministre Jean Taittinger.

    Une sportive militante

    • On trouve une « demoiselle Lallement » dans les archives de la Fédération française d’athlétisme et à la consultation des journaux sportifs de l’époque, nous savons que : le 29 juin 1919, elle se classe 2e au saut en longueur sans élan. Le 11 juillet 1920, au stade Elisabeth, à Paris, elle se classe : 6e au saut en hauteur sans élan, 3e au saut en longueur sans élan, 3e au lancer du javelot. Le 20 juillet 1920, elle gagne l’épreuve du saut en logeur sans élan et perd de peu la finale du 100 mètres.
    • Elle s’adonne donc à une intense pratique sportive et croise alors la route d’Alice Milliat (1884-1957), trouvant là l’occasion d’associer ses deux types d’engagements. Alice Milliat, pionnière de l’aviron féminin, milite pour l’égalité dans l’Olympisme. Recréés en 1894 par le Baron de Courbertin, les Jeux olympiques se veulent une célébration de la virilité. Des femmes sont présentes aux Jeux dès 1900 : elles participent aux compétitions de golf et de tennis, et plus tard de natation et de plongeon, d’équitation, de croquet, de patinage artistique, etc.
    • Mais le baron est farouchement opposé à toute présence féminine aux Jeux olympiques. De multiples préjugés sont associés au sport féminin : perte de la féminité, développement d’une musculature trop importante, sans parler du risque de stérilité !

    Le rôle de la femme reste ce qu'il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l'homme, la future mère de famille, et doit être élevée en vue de cet avenir immuable

    Baron Pierre de Coubertin (1901)
    • Inacceptable ! Alors que les Jeux Olympiques se tiendront à Paris en 1924, elle s’insurge de la place réservée aux femmes. Pour forcer la main des organisateurs, elle s’engage avec la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) pour organiser en 1922 au stade Pershing à Paris devant 20000 personnes les « Jeux Olympiques féminins d’Héra » renvoyant à ceux audacieusement organisés au VIe avant J.-C. – ce débat ne datait pas d’hier… Néanmoins, face aux pressions, les organisatrices doivent abandonner le terme « Olympiques » pour celui de «Mondiaux». Elle y remporte le 110 mètres et le lancer du javelot.

    Entrée dans la résistance

    • Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Aimée décide de rester à Reims. Naturellement, elle confie un trousseau de clef à un ami de son père : Georges Simon. Celui-ci aura la possibilité de se réfugier chez elle, si les Allemands viennent le chercher. Malheureusement, il fait partie des premières personnes arrêtées. Aimée décide alors de prendre soin de la mère de Georges et lui rend visite tous les jours.
    • Lors d’une visite, elle croise le jeune Jankel Przedborg, âgé de 15 ans. Malgré ses mises en garde, elle assiste au massacre des membres de la famille Przedborg. Dix-huit personnes disparaissent dans les chambres à gaz d’Auschwitz. Devenu orphelin et après avoir échappé, de justesse, à son arrestation, le jeune Jankel trouve refuge chez Aimée.
    • Elle a l’idée de l’envoyer dans une maison de campagne appartenant à sa famille. Elle demande au jeune homme de se laisser pousser les cheveux et de s’habiller en fille. Elle le fait passer pour sa nièce et le surnomme Jacqueline. Cette nièce inventée n’ayant pas d’existence légale, Aimée et Jankel vivent de ses seuls tickets de rationnement et de quelques produits du jardin de la maison.
    • À la fin de la guerre, Jankel demande à franciser son nom en Jacques Presbor. Aimée l’adopte officiellement en 1956.
    • Quelques années plutôt, Aimée a frappé à la porte du DROIT HUMAIN…

    Franc-maçon du DROIT HUMAIN

    • Considérant ses engagements, c’est naturellement qu’elle se présente à l’Ordre Maçonnique Mixte International LE DROIT HUMAIN. Elle est initiée le 27 juillet 1952 avec le numéro de passeport 9930
      dans la loge n°963 « Le Niveau » dans la localité de Reims. Elle est reçue au grade de Compagnon le 9 juillet 1955 et est élevée à la Maîtrise le 4 juillet 1956. Elle occupe le plateau de trésorier de 1956 à 1966.

    Reconnue « Juste parmi les nations »

    • Agée de 73 ans, elle se lance dans une campagne pour les élections municipales sur une liste préfigurant l’Union de la gauche.
    • Vers la fin des années 70, un dossier la concernant est déposé auprès du mémorial de Yad Vashem. En 1980 elle reçoit la distinction de « Juste parmi les Nations », titre donné « aux Justes de France qui ont sauvé des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, parfois au péril de leur vie ». Aimée se 3 rend à Yad Vashem (Institut international pour la mémoire de la Shoah, Jérusalem) pour y planter l’arbre n° 1760.

    Sa postérité

    • Aimée demeurera jusqu’au bout un Maître fidèle de la loge Le Niveau. Elle obtient l’honorariat en 1986 et décède le 11 septembre 1988.
    • En septembre 2011, grâce à l’action de la section marnaise de la LICRA, la municipalité de Reims donne son nom à une des artères du quartier populaire de la Croix-Rouge. Le 8 mars 2017, à l’occasion de la Journée internationale pour le droit des femmes, les communes de Saint-Denis et de Saint-Ouen (93) inaugurent le gymnase Aimée Lallement où les enfants du collège Dora-Maar peuvent désormais s’exercer à la pratique sportive de manière parfaitement égalitaire et laïque, comme en rêvait cette soeur.

    Pour aller plus loin