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Le 1er mai 2025 les grandes obédiences françaises se sont réunies pour la traditionnelle cérémonie au cimetière du Père Lachaise.
Sylvain Zeghni, Grand Maître National de la Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain. Après avoir rendu hommage à la Sœur Nelly Roussel devant sa sépulture, il est monté au pupitre pour prendre la parole devant le mur des fédérés où des derniers communards sont tombés sous les tirs des soldats versaillais.
Allocution du Grand Maître National
Nous pourrions résumer notre parcours ce jour par le terme d’insurrection. De Jules Vallès l’insurgé, à Pierre Dac et Tignous dont l’humour s’insurgeait contre toutes les formes d’oppression, de Nelly Roussel féministe insurgée contre le patriarcat, et la guerre au général Riquelme s’insurgeant contre le fascisme de Franco.
Nous sommes ici, réunis au mur des Fédérés, et sous nos pieds est la fosse commune des insurgés fusillés de la Commune. Il nous faut continuer la démarche émancipatrice de nos prédécesseurs. Pour autant il ne faut pas se gargariser de mots. Ainsi, il est des mots que l’on use jusqu’à l’épuisement. Des mots qu’on répète comme des mantras, jusqu’à les rendre transparents, presque vides. République en fait partie. On l’invoque dans les crises, on la célèbre chaque année, mais qui la vit réellement ? Qui la pense encore ? Et surtout : qui la construit ?
Nous passons notre temps à vouloir réparer la République, alors que c’est la République elle-même qu’il nous faut établir. Non pas restaurer une forme érodée, mais refonder un projet.
Réparer suppose que la structure est intacte. Ce n’est plus le cas. Il ne s’agit pas de noircir le tableau : ce que nous appelons République n’est trop souvent qu’un mot fatigué, un costume vide porté par des institutions qui peinent à en incarner les principes.
La République, ce n’est pas seulement un régime ou un cadre légal. C’est un idéal politique vivant, une promesse collective, une architecture morale. Elle exige bien plus que des élections. Elle suppose une conscience partagée, une éthique du bien commun, un pacte renouvelé entre les citoyens et leurs représentants. Pouvons-nous réparer un édifice dont les plans sont devenus illisibles ?
Établir, c’est commencer. C’est revenir au geste fondateur parce que certaines racines sont devenues caduques, et que d’autres n’ont jamais été plantées. Établir, c’est interroger les fondements : Qu’est-ce qu’être citoyen aujourd’hui ? Que signifie la souveraineté dans un monde mondialisé, fragmenté, ou nos choix sont liés aux algorithmes ? Quels droits, mais aussi quels devoirs, voulons-nous vraiment inscrire au cœur de la vie commune ? Quelle place pour le peuple, pour la voix directe, pour la contestation ? Quelle éducation à la liberté, à l’esprit critique, à la fraternité ?
La République ne tombe pas du ciel. Elle se forge. Elle se pense. Elle s’apprend. La République ne tient pas par l’habitude, mais par l’adhésion. Elle ne vit pas dans les textes, mais dans les pratiques. Il faut plus que des mots. Il faut un dessein. Il faut une vision. Il faut une volonté.