CBE017 – Risques et dérives des tests génétiques disponibles sur Internet
Rappel de la loi en France
L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne et son identification par ses empreintes génétiques est strictement encadré par les articles 16-10 et 16-11 du Code Civil, datant d’une Loi du 14 mars 2011.
Ces textes interdisent à un individu de faire procéder à des tests de ses propres empreintes génétiques, en dehors de procédures judiciaires et de l’intervention d’un juge, sous peine d’amendes allant jusqu’à 15 000 €.
L’intervention du juge est-elle même encadrée par des délais impératifs de prescriptions.
Cette législation restrictive est exceptionnelle; seule la Pologne, en Europe, a une législation équivalente.
Ses motifs avancés, telle la préservation de la paix des familles ou la couverture de substitutions des dons de gamètes, ne sont pas convaincants.
Elle a pour conséquence le risque pris chaque année par 150 à 200 000 français qui vont faire procéder à leurs tests dans les pays voisins.
Pourtant, les tests génétiques sont utilisés massivement dans les enquêtes pénales, secteur dans lequel les possibilités actuelles de la science sont parfaitement intégrées.
Le Droit français devrait se rapprocher de celui de nos partenaires européens et permettre à chacun de pouvoir accéder directement à la connaissance de ses origines, dans le respect des conventions internationales, comme celle sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989.
Cette législation reflète la difficulté du législateur à organiser le droit de la filiation, lequel subit des bouleversements permanents, en raison de l’évolution des mœurs et des progrès de la science.
Dans le code de la santé publique, article L-1131- 1 et s du Code de la Santé Publique :
il est interdit de pratiquer des tests génétiques individuels en France, sauf indication médicale, ces examens sont encadrés par la loi avec notamment l’obligation d’information : article L-1131-1 et s du Code de la Santé Publique.
Le praticien doit, avant de réaliser un test génétique, avoir un entretien avec la personne concernée et le rendu des résultats doit être mené en sa présence et non à distance.
Ces tests sont susceptibles de donner des informations sur la paternité/maternité, les origines ethniques, la détection de mutations génétiques, voire de maladies génétiques plurifactorielles (cancer, diabète etc…). La pertinence des résultats obtenus dépend de plusieurs facteurs, notamment de la fiabilité du test, du système qualité du laboratoire ou de la compagnie qui les réalisent et les interprètent [voir encart technique].
Le cadre médical permet d’expliquer les résultats des tests, leurs implications et leur impact psychologique, comme par exemple, la découverte d’une paternité/maternité inattendue, les significations d’une maladie génétique, les raisons d’une interruption médicale de grossesse et de menace de pronostic vital…
(cf. la fiche de la Commission bioéthique : Génétique et prédictivité, quel progrès pour l’humanité ? – 2012).
Les risques et dérives des tests disponibles sur internet
A l’exception des tests de paternité, ces tests représentent des risques de mauvaise interprétation de par leur nature prédictive, probabiliste. De plus, des tests achetés sur internet peuvent être de qualité très variable avec des risques de contrefaçons.
En dehors des motivations propres à chacun pour effectuer la démarche de faire un test via internet donc sans encadrement médical, différents points sont à souligner :
- sur les tests de paternité/maternité, quelles conséquences pour la cellule familiale ? Des frères et sœurs qui ne le sont pas ou seulement à moitié…. Le père biologique qui, en vérité, est un autre membre ou un proche de la famille. C’est non seulement un choc pour soi-même mais cela peut être problématique, notamment, lorsque cette information est révélée par un tiers ;
- sur l’interprétation des données génétiques brutes (fiables à priori), fondée sur des bases de données étrangères (américaines…) qui ne sont pas forcément adaptées à toutes les populations. La fiabilité de celles-ci dépendant du volume de leurs données, selon les compagnies, les résultats sur les origines ethniques peuvent présenter des écarts allant du simple au quadruple ;
- sur l’impact psychologique, pour l’ensemble des personnes concernées et/ou leur entourage, réalisant des tests sans encadrement médical, surtout lorsqu’il s’agit de tests prédictifs ;
- les données génétiques personnelles non seulement enrichissent les banques de données des sociétés mais en plus celles-ci peuvent les commercialiser, les échanger à des clients étatiques, privé, assurances… Et, ce, à l’insu des demandeurs. Ce matériel contient des données personnelles incluant des informations médicales, ethniques et familiales. Elles peuvent être le terreau d’une utilisation dérivant vers une discrimination sociale. Une façon de contrer cette dérive serait que les données soient anonymisées. Elles pourraient ainsi enrichir les banques de données ce qui est utile pour l’amélioration de la qualité des analyses, mais ne pourraient plus ou moins avoir de finalité mercantile.
En conclusion
Ces tests sont très faciles d’accès, mais qu’en est-il de l’information qu’ils délivrent ? La finalité est-elle de créer plus de liberté, plus de vérité, plus de transparence ? Où est l’utilité et pour qui ?
Le besoin de savoir est sociétal mais interdit par la loi, en dehors du contexte médical ou judiciaire. Question : la législation très restrictive ne crée-t- elle pas les conditions de la dérive de l’utilisation des données fournies par les tests ?
N’oublions pas aussi que, parfois, la réalité dépasse la fiction : une simple histoire « vraie » pour illustrer l’improbable.
Une amie reçoit en cadeau, un test pour connaître ses origines. Elle le fait et, lors d’un repas familial, en parle avec amusement, si bien que son frère le fait également. En comparant les profils génétiques, elle découvre que son frère n’a pas le même père qu’elle. Après avoir vérifié auprès d’une autre société, ils ont eu confirmation de la nouvelle. Une confrontation avec la mère a révélé que le père biologique du frère était un ami de la famille… Certes, la transparence et la révélation des secrets de famille en sortent gagnants, mais il faut savoir à quoi on s’expose en réalisant de tels tests.
Pour en savoir plus :
- Tests de paternité/maternité ou tests judiciaires d’identification d’une personne. Ce sont des tests comparatifs entre l’ADN d’une personne et ses proches parents (ascendants, descendants, frères et sœurs) dans le premier cas ; entre différents suspects et les échantillons prélevés sur une scène de crime dans le second cas. La technique utilisée est celle des empreintes génétiques. Bien réalisés, ces tests sont très fiables.
- Détection d’une maladie génétique avérée, connue et/ou transmissible. La technique utilisée est soit la PCR (pour rechercher une mutation connue chez un frère ou une sœur ou l’un des parents) ; soit l’hybridation in situ (sur les chromosomes, pour rechercher une anomalie de leur nombre). Bien réalisés, ces tests sont très fiables et, régulièrement utilisés pour la détection de nombreuses maladies, en particulier lors des diagnostics pré-implantatoires (myopathie, mucoviscidose, neurofibromatose, béta-thalassémie, rétinite pigmentaire, dystrophie musculaire de Becker, hémophilie A, maladie de Huntington, DICS-X (bébé-bulle), etc…).
- Probabilité de survenue d’une maladie génétique, non encore avérée (voire multifactorielle) ou recherche des origines ethniques. Dans ce cas, il est effectué un séquençage global du génome du demandeur. Les données obtenues sont comparées à des banques de données. Les résultats sont probabilistes, exprimés en pourcentage de risque de survenue (pour les maladies) ou d’appartenance à différentes ethnies. Ces tests dépendent intégralement de la qualité de la base de données utilisée comme référence et des algorithmes utilisés pour l’analyse statistique. Ce sont les moins fiables. De nombreux travaux scientifiques existent dans ce domaine, en vue de leur amélioration.