CPS Fiche n°13 – Les migartions, flux migratoires et humanisme
La société que le Franc-Maçon du DROIT HUMAIN veut contribuer à bâtir est celle où le vivre ensemble signifie vivre tous ensemble. C’est défendre ce qui inclut et intègre, dans le respect de la dignité de la personne et de sa différence. C’est favoriser toute valorisation de l’autre, considéré comme une personne autonome, reconnue libre et égale à toutes les autres. Les êtres humains sont interdépendants, la solidarité a donc toute sa place dans le lien volontairement assumé qui relie chacun au reste de l’humanité impliquant un dévouement réciproque.
(Cf. Valeurs d’un Franc-Maçon de Fédération Française du DROIT HUMAIN).
1.CONSTANTES ET DIVERSITÉS : UN MOUVEMENT PERPÉTUEL
Le migrant précède le sédentaire. La migration est une notion polymorphe, complexe, difficile à appréhender de manière exhaustive et qui ne se réduit pas à la seule nationalité du migrant. Cette notion dépend du point de vue de celui qui l’analyse : démographe, économiste, politique, juriste, philosophe, …
L’homme migre pour de multiples raisons : conflits, persécutions, pauvreté, pression démographique, recherche de travail, écarts de niveaux de vie, études, mariage ou rapprochement familial, … Les changements climatiques pourraient entraîner des migrations d’un nouveau type.
Migrer est, soit une nécessité, soit une volonté des migrants porteurs de projets individuels dont la résultante est collective. Aujourd’hui, les migrations sont facilitées par l’expansion des moyens de transport et de communication. Dans ces conditions, comment comprendre les notions de chez soi, de proche et de lointain ?
Au niveau mondial, le nombre de migrants inter-nations était de 191 millions en 2005. Cela représente moins de 3% de la population de la planète (il était de 5 à 10% avant 1914). N’avons-nous pas un regard faussé sur les mouvements migratoires? L’Europe se croit envahie, mais l’émigration vers l’Europe n’a rien d’une déferlante par rapport aux mouvements en Afrique : «Sur 100 migrants africains, 5 gagnent l’Amérique du Nord, un seul l’Europe, 92 émigrent vers un autre pays africain » (Source le Monde Diplomatique – Oct. 2012). Les pays «de transit» sont aussi impliqués dans les parcours migratoires. La sédentarisation y favorise tout à la fois l’instinct de propriété pouvant alimenter de nouvelles migrations et des lieux interdits au passage.
Au risque d’appauvrir les pays d’origine, les migrations soutiennent les processus de croissance économique des pays d’accueil, pour lesquels elles ne sont pas seulement des charges. Elles apportent aussi une main d’œuvre utile dans les secteurs d’activité les plus délaissés. Les migrants pallient le déficit de travailleurs dans les pays en voie de vieillissement. Ils permettent l’expression de talents, enrichissent les échanges culturels et, à terme, métamorphosent les civilisations.
2.DES PRINCIPES HUMANISTES
Chaque être humain porte en lui une part de l’humanité toute entière. Le migrant est un frère en humanité ; sa dignité est inaliénable. La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » doit s’appliquer aux migrants. Dans l’idéal, ceux-ci devraient bénéficier de la liberté de circuler, restreinte aujourd’hui par les législations des États-nations. Les principes d’égalité entre populations migrantes et autochtones de même que la réciprocité entre les droits et devoirs de chacun devraient pouvoir être appliqués. Enfin, le partage entre ces populations doit être guidé par la fraternité.
Ces principes sont transcrits dans les conventions internationales : Déclaration Universelle des Droits de l’homme, Convention de Genève, Convention Internationale des Droits de l’Enfant, auxquelles on peut ajouter la Convention Européenne de Sauvegarde des Libertés et des Droits Fondamentaux… Ils sont codifiés en Droit : asile, vivre en famille, études, travail, … ; veillons à leur application et à leur effectivité.
3.PERSPECTIVES ET PROPOSITIONS
Les migrants arrivent dans une société constituée dont ils ne maîtrisent pas forcement les codes ou la langue. Multiculturalisme, intégration ou assimilation, le modèle dominant dépend du pays d’accueil. Ainsi le modèle français, contrairement à celui des pays anglo-saxons ou du nord de l’Europe, est assimilationniste, républicain et laïc. Les risques de dérives vers le communautarisme existent. Si nous ne pouvons exiger du migrant qu’il renie ses racines, il serait dangereux de lui laisser croire qu’il peut se soustraire aux lois et aux valeurs du pays d’accueil.
Face à la complexité de ces situations, nous suggérons à la fois de proposer des solutions à court terme pour répondre à l’urgence et d’adopter une vision prospective dans un esprit d’affirmation de nos valeurs humanistes.
Agir maintenant
En France, il est temps de :
- mettre fin à l’instabilité de la législation concernant les étrangers, politiquement orientée vers un durcissement constant depuis les années 1980, en clarifiant les processus d’entrée et de séjour et en simplifiant les démarches administratives ;
- soutenir les associations d’aide pour accompagner les immigrés dans leurs démarches et leur enseigner la langue et la culture de notre pays, dans le respect des valeurs républicaines ;
- privilégier les politiques d’intégration plutôt que la seule politique de l’éloignement prônée par la Directive « Retour » de l’Union Européenne ;
- appliquer les dispositions en vigueur, pour réprimer passeurs et employeurs de travailleurs étrangers en situation irrégulière, non déclarés ;
- rappeler les règles de déontologie aux personnels administratifs pour favoriser un accueil digne et ciblé ;
- distinguer immigration et intégration : les questions relatives à l’accueil des nouveaux migrants sont différentes de celles de l’intégration de familles issues de migrations anciennes ;
- insister sur le fait que les lois votées démocratiquement s’appliquent partout et à tous ; être attentif à ce que soit respectée l’égalité de tous – migrants comme sédentaires – devant la loi ;
- dénoncer l‘instrumentalisation des questions migratoires, les amalgames, le dévoiement des mots, les clichés et idées toutes faites en veillant à ne pas tomber dans un angélisme contre-productif ;
- lutter contre les idées xénophobes favorisées par un climat rendu tendu par les crises, les mutations mondiales, les conflits ethniques, religieux et les guerres ;
- rappeler régulièrement les données objectives sur l’immigration ; historiques, démographiques, géopolitiques, sans laisser cette parole aux seules associations de défense des immigrés qui ont une expertise, mais dont le discours est inaudible d’une partie de l’opinion parce que considéré comme partisan.
Chacun est appelé à changer son regard sur les migrants et agir en conséquence.
Préparer l’avenir
Les politiques migratoires doivent s’appuyer sur la négociation internationale. Comme il s’agit de problématiques transversales, tous les organismes européens ou mondiaux œuvrant dans les domaines politique, économique, judiciaire ou social doivent intégrer les migrations au cœur de leur stratégie. De multiples pistes d’actions complémentaires existent, parmi lesquelles :
- rechercher la cohérence internationale dans le droit pour les migrants. Ainsi, l’Europe doit développer une approche commune qui ne soit pas uniquement défensive notamment en mettant en place des accords bilatéraux avec les pays d’origine ;
- développer l’agriculture des pays du sud pour qu’ils puissent nourrir leurs populations et limiter la surexploitation destructrice des terres ;
- favoriser les apports des populations migrantes vers leur pays d’origine qui permettent de réduire le fossé entre pays du sud et du nord. Cela peut se faire par le retour de travailleurs expérimentés, par l’entreprenariat ou par les transferts financiers, … ;
- garantir les droits des femmes migrantes, en insistant sur le droit à l’éducation ;
- imposer une véritable éducation gratuite et obligatoire pour les enfants migrants ;
- utiliser les technologies de l’information et de la communication pour développer le sentiment d’appartenance à la même Terre. Il s’agit de faire comprendre que le phénomène migratoire fait partie intégrante de l’histoire de l’humanité pour donner à nos enfants la conscience d’être citoyen du monde ;
- démontrer aux pays développés que l’immigration peut les aider à pallier leur déficit démographique, qu’elle peut favoriser leur rayonnement international, lorsqu’ils forment des étudiants migrants ou qu’ils mettent en place des échanges éducatifs ;
- anticiper les évolutions planétaires inéluctables en imaginant les habitats et les modes de production et de consommation du futur qui permettent le mieux vivre de tous, où qu’ils se trouvent.
CONCLUSION : NE PAS RENONCER A L’UTOPIE
Parvenir sur toute la terre à la justice sociale dans une humanité organisée en sociétés libres et fraternelles nous amène à imaginer de nouvelles échelles de territoire avec des communautés de pays, à l’image de l’Europe. Rêvons d’une conception mondiale de la citoyenneté, plus profitable aux hommes et plus respectueuse de leurs droits.