Comment rendre effectifs les droits de l’enfant ?
Les droits de l’enfant -Comment rendre effectif…(version PDF)
Historiquement engagé dans la construction des droits de l’homme, LE DROIT HUMAIN s’est investi très tôt dans la défense des droits de l’enfant, en revendiquant dès la fin du 19e siècle une égalité de droits et de devoirs entre le père et la mère de famille, permettant le développement harmonieux de l’enfant. Aujourd’hui, au 21e siècle, l’actualité dans sa rubrique des faits divers montre que la dignité de l’enfant n’est pas forcément reconnue. Au même moment, le syndrome de«l’enfant roi» s’amplifie. L’enfant, trop choyé, parce que trop désiré, entre en conflit avec le respect de l’être humain dans sa dignité. Le respect de l’enfant comme être en devenir est donc toujours une utopie.
Introduction
L’enfant présente des fragilités particulières qui doivent être identifiées et prises en compte pour en prévenir les conséquences. (1). En droit, la notion de «l’intérêt de l’enfant» est un principe puissant pour protéger son devenir.Cette notion fonde notre seconde ligne de réflexion : comment rendre l’enfant acteur de son devenir? (2).
1.COMMENT PRÉVENIR LES SITUATIONS PRÉJUDICIABLES AU DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT?
1.1.Prévenir les actes de maltraitance d’abord dans la famille
Nous proposons de mobiliser tous les acteurs pour une prévention précoce en développant le soutien à la parentalité.
1.1.1.Coordonner les services afin de prévenir toutes situations préjudiciables aux enfants
Professionnels de la santé, de la protection maternelle et infantile (PMI), de l’école (infirmières et assistantes sociales scolaires, médecins et psychologues), des services sociaux (assistantes sociales de secteur, et des caisses de sécurité sociale), MIVILUDES : la liste de ces acteurs est longue, d’où l’enjeu de leur coordination au service d’une intervention efficace et précoce. Cette coordination doit être au service de l’enfant et de sa famille et non devenir un moyen pour les institutions de se protéger par rapport aux enjeux de responsabilité.
Les effectifs et les moyens financiers de ces services doivent être adaptés aux missions prioritaires à conduire pour prévenir efficacement toute situation mettant l’enfant en danger. Une attention particulière doit être portée à la PMI. En effet, la contrainte financière qui pèse sur les conseils départementaux a conduit à un étiolement progressif des moyens d’action et donc de la prévention.
1.1.2.Développer le soutien à la parentalité Les dispositifs qui concourent à soutenir la responsabilité parentale sont essentiels.
Nous préconisons de les développer et de les accompagner. L’action éducative en milieu ouvert renforcé (AEMO) qui permet d’accompagner la famille et l’enfant de façon plus intense (visites plus fréquentes) doit être privilégiée. De même, doivent être soutenus les internats scolaires qui permettent à l’enfant de prendre ses distances avec la famille, mais aussi d’aider les familles à surmonter les difficultés avec leurs enfants. Dans le même esprit, il faut favoriser le dispositif d’accueil éducatif de jour qui permet à des jeunes se trouvant à la limite de la rupture scolaire, familiale et sociale de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et aux parents d’être conseillés.Enfin, il est recommandé d’adapter le soutien à la parentalité aux situations familiales, notamment celle des parents qui sont isolés par des causes multiples : isolement géographique et/ou social, différences culturelles et linguistiques, ignorance des dispositifs existants, crainte d’être jugé.
1.2.Prévenir les situations de violence La violence dans la société peut prendre des formes diverses.
Au-delà des violences entre individus, il existe des situations sociales génératrices de violences (situation de domination, violences institutionnelles.)Le traitement des facteurs à l’origine de cette violence est à privilégier. La délinquance est souvent issue d’une souffrance de l’enfant et/ou de l’impuissance des parents. Les violences entre enfants comme le harcèlement physique, ou psychologique sont par ailleurs devenues un vrai danger qui menace tous les enfants. Ce risque est accru par l’usage des enfants de plus en plus jeunes des réseaux sociaux sur Internet.
1.2.1.Une justice des mineurs plus efficace, parce que spécifique et préventive.
Il est essentiel de maintenir un droit pénal spécifique pour les mineurs, avec le maintien de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante et le développement des actions de réparation au détriment des actions de punition. Doivent être renforcés les moyens des services de prévention tels que les éducateurs de rue, les éducateurs de la protection de la jeunesse ainsi que développées les associations dites «intégratrices» qui maintiennent les liens entre enfants et familles.
1.2.2.Œuvrer pour une société aussi performante, mais moins compétitive
Les excès de la compétition qu’elle soit scolaire, sportive ou artistique sont un facteur de déclenchement de la violence de l’enfant, mais aussi envers l’enfant. Ces excès peuvent aboutir à des phénomènes de dévalorisation personnelle, mais aussi à un renforcement de la ségrégation sociale. Des évolutions importantes doivent être introduites dans le système scolaire et dans la société pour limiter la compétition excessive et donner une place à tous même à ceux qui ne sont apparemment pas les meilleurs, ni détenteurs de toutes les aptitudes et capacités. Concrètement, ce changement passe par la diversification des voies proposées et de passerelles qui permettent à l’enfant d’avancer dans son projet de développement scolaire et/ou professionnel. Pour l’école, l’enjeu est de créer une offre diversifiée de formations qui ne soient pas seulement académiques, mais aussi pratiques.
1.2.3.Contraindre l’accès des plus jeunes à Internet :
Alors que la loi récente sur le Travail a créé pour les salariés un droit à la déconnexion, il faut s’interroger sur un droit nouveau qui permettrait de protéger l’enfant contre un accès trop précoce et trop envahissant aux réseaux sociaux. Un encadrement de l’accès des jeunes enfants aux outils de l’Internet doit être validé par une loi.
1.3.Prévenir l’isolement de certains enfants
L’isolement de l’enfant, comme celui des familles a des conséquences potentiellement délétères. Le droit à l’éducation n’est pas effectif pour bien des enfants (migrants, gens du voyage, enfant sous influence sectaire) et la scolarisation des enfants migrants est parfois défaillante. La France en principe applique aux mineurs isolés c’est-à-dire aux enfants étrangers sans famille le principe inscrit dans les conventions internationales des droits de l’enfant c’est-à-dire l’égalité de traitement. L’enfant mineur isolé doit être reconnu comme mineur (la question de l’âge parfois est délicate à régler); à ce titre, il devrait toujours être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour assurer son hébergement ainsi que son insertion sociale et professionnelle. À cet égard, l’hébergement en hôtel plutôt qu’en foyer pour les mineurs isolés étrangers a été pointé comme un manquement à l’égalité des droits. Doit être garanti sur tout le territoire, (y compris les DOM), l’égalité de traitement entre mineurs quel que soit leur statut (mineur étranger ou pas).
1.4.Éradiquer les situations d’exploitation de l’enfant
Concernant l’exploitation sexuelle de l’enfant quelle que soit sa forme pédophilie, prostitution, pornographie, l’idée serait d’agir sur les intermédiaires : les sites hébergeurs à visée pédophile et/ou pornographique, la protection contre la prostitution et la pédophilie renvoie à la lutte contre la maltraitance, avec l’idée d’identifier les lieux sensibles (famille, lieux accueillant de jeunes enfants, etc.) afin de garantir une prévention efficace. Concernant les enfants mobilisés dans les trafics de produits illicites (drogue ou autres), il faut élargir le point aux addictions, quelles qu’elles soient en y incluant l’addiction aux jeux et à Internet qui peut avoir l’effet néfaste de couper l’enfant du monde.Le levier pour rendre effectif les droits de l’enfant est de privilégier tout ce qui dans la société, rend l’enfant acteur de son développement et a contrario de combattre toutes les situations où l’enfant est un objet, le privant ainsi de son autonomie et de sa dignité d’être humain. Changer le regard des adultes sur l’enfant est un défi, mais c’est la voie la plus efficace pour atteindre l’objectif d’effectivité des droits. Le second enjeu est bien relatif à la coordination des acteurs publics, privés, avec la famille pour l’intérêt de l’enfant.
2.COMMENT RENDRE L’ENFANT ACTEUR DE SON PROPRE DÉVELOPPEMENT ?
2.1.Rendre l’enfant conscient de ses droits :
Cette proposition renforce l’autonomie de l’enfant. Dans ce sens, il faut :
– Restaurer la fonction de présidence des tribunaux pour enfants, ce qui identifie une personne porteuse d’une amélioration des droits de l’enfant;
– Faire connaitre aux enfants leurs droits, d’abord d’être respectés, mais aussi d’être représentés et défendus par un avocat;
– Permettre l’accès de l’enfant aux informations sur ses origines, quelles que soient la famille et la conception.
2.2.Renforcer pour l’enfant ses droits à l’éducation
L’éducation est pour l’enfant un des moyens les plus effaces pour être acteur de son développement. Nos propositions sont les suivantes :
– Développer l’esprit critique à l’école en créant un éveil à la philosophie à l’école et des valeurs républicaines;
– Favoriser les pédagogies coopératives qui offrent aux enfants une occasion de gérer la vie commune et d’apprendre la construction démocratique;
– Initier dès l’école primaire des ateliers qui permettent à l’enfant une expérience de partage de sa pensée dans un cadre «démocratique»;
– Faire appel, en cas de conflit entre les parents et l’institution scolaire autour de difficultés particulières de l’enfant (hors handicap), à des médiateurs qui ne soient ni enseignants ni parents, pour faciliter le dialogue et trouver des situations adaptées aux situations des enfants;
– Garantir des parcours sans rupture trop longue. Les jeunes en difficultés scolaires sont souvent en «errance»entre différents établissements. Il conviendrait de réduire au maximum cette durée d’errance en organisant des réponses adaptées à chaque situation (ITEP, accueil de jour, DIMA [dispositif d’initiation aux métiers en alternance]);
– Valoriser par des mesures incitatives [notations, moyens], les établissements qui gardent les élèves en difficulté trouvent des réponses adaptées;
– Éviter de stigmatiser les difficultés des enfants soit en les «pathologisant» soit en les «sociologisants»;
– Organiser des contrôles plus fréquents des enfants qui suivent un enseignement à domicile par choix des parents.
Concernant les enfants en situation de handicap, plusieurs propositions spécifiques [en plus des générales] sont préconisées : changer le regard sur l’enfant handicapé pour lui reconnaitre un statut de sujet, quelle que soit la nature du handicap; veiller à la reconnaissance d’une vie psychique pour les enfants en situation de handicap cérébral. Enfin; associer l’enfant en situation de handicap dans toutes les activités de la cité.
La question de la scolarisation pose la question de l’articulation entre l’école et la prise en charge spécialisée. Dans ce domaine, il est essentiel de prévoir des protocoles qui intègrent la formation nécessaire des personnels, pour garantir le développement et la scolarisation en milieu ordinaire; favoriser les passerelles entre milieu ordinaire et milieu spécialisé.
2.3.Coordonner les intervenants publics et privés auprès de la famille et de l’enfant
Garantir la continuité de la prise en charge de l’enfant est l’objectif. Concernant les travailleurs sociaux concernés, il a paru essentiel de rappeler l’importance du Projet personnalisé de l’enfant [PPE] qui devrait être une priorité pour tous les acteurs. Il faut aussi former les professionnels aux techniques de coopération dans l’intérêt de l’enfant, en accompagnement du décloisonnement qui passe par des conventions de partenariat. Il faut aussi rendre l’enfant acteur de son parcours, ce qui suppose de mieux associer les parents.
2.4.Développer une approche territoriale/spatiale de la reconnaissance des droits de l’enfant.
La cité doit devenir un espace où l’enfant trouve sa place, quel que soit le lieu, l’institution, le service. Dans cet esprit, nous proposons les pistes suivantes :
– Adapter aux enfants des lieux spécifiques dans les hôpitaux, dans les tribunaux, les commissariats, les gendarmeries et plus largement dans tous les lieux fréquentés par des enfants;
– À développer et faire connaitre des espaces d’échanges et de rencontre autour de l’enfant avec les parents et les professionnels sur le modèle des lieux d’accueil, enfant/parents [LAEP].
– À rendre accessible aux enfants, quel que soit le niveau de revenu des parents, les activités sportives, artistiques selon le modèle imaginé en 1970 par Aimé Césaire qui a proposé une action culturelle intégrative, toujours en œuvre aujourd’hui. Cette accessibilité peut être facilitée soit en mobilisant les fonds d’action sociale des organismes sociaux, soit en instaurant des tarifs liés au quotient familial.
Conclusion
Si la citoyenneté ne s’acquiert qu’à un âge donné celui de 18 ans, il est essentiel d’insister sur la nécessité d’anticiper cette barrière de l’âge pour développer la responsabilité de l’enfant envers lui-même, ses parents, les autres. Faire de tout enfant un citoyen à part entière suppose d’abord le respect de l’enfant qui est dès sa naissance, une personne, un être libre en devenir.