Préambule
Perceptions de la laicité (texte intégral en pdf)
Les rencontres COMALACE (Contribution des Obédiences Maçonniques Libérales et Adogmatiques à la Construction Européenne) ont permis de faire connaitre des points de vue sur la vision de la laïcité en Europe et plus précisément ceux exprimés par des SS∴ et des FF∴ d’Etats membres de l’Union Européenne. A ces rencontres se sont associés des SS∴ et des FF∴, citoyens d’autres Etats non-membres de l’Union, comme la Suisse et la Turquie, mais porteurs des conceptions et des valeurs que la laïcité véhicule et qui sont amenés très certainement, à rejoindre notre communauté.
Même si certains participants à COMALACE sont membres d’instances dirigeantes, ce travail n’est pas la parole officielle des obédiences. Il est le produit d’un travail collectif fait d’échanges et de compréhension des différentes perceptions de la laïcité. Chaque pays à sa propre histoire, sa propre culture qui fait qu’aucun ne pourra revendiquer détenir la vérité. C’est bien par la connaissance de l’autre, par la capacité de décentration que chacun a du mettre en œuvre pour comprendre l’autre, que ce travail a pu aboutir. Valeurs hautement maçonniques qui nous ont permis d’abolir les frontières fixées par nos certitudes ou nos croyances.Ce travail collectif est le produit d’échanges et de compréhension des différentes perceptions de la laïcité. Chaque pays à sa propre histoire, sa propre culture qui fait qu’aucun ne pourra revendiquer détenir la vérité. C’est bien par la connaissance de l’autre, par la capacité de décentration que chacun a du mettre en oeuvre pour comprendre l’autre, que ce travail a pu aboutir. Valeurs hautement maçonniques qui nous ont permis d’abolir les frontières fixées par nos certitudes ou nos croyances.
Il en est ressorti une volonté de parvenir à ce que nous présentions une conception commune et a minima, mais riche de sens de la laïcité, sachant qu’il sera du rôle de chaque F∴M∴ de porter cette parole à l’extérieur du temple, la faire entendre et lui donner vie pour que cette harmonisation englobe de plus en plus de domaines de la société européenne. Les histoires particulières de chaque pays ont produit des différenciations assez marquées sur la définition de la laïcité.
La conception française, si elle présente le caractère le plus libéral et universel, n’est pas reconnue et est même ignorée par les législations ou les Constitutions des autres pays. Elle est loin de faire consensus. Mais les SS∴ et les FF∴ avec qui nous avons débattu, de par leur culture maçonnique, peuvent partager avec nous cette approche et nous rejoignent sur son caractère de neutralité, représentant le territoire de liberté de conscience que doit-être la sphère publique. Pour information, des SS∴ et des FF∴ des Etats suivants ont participé :
• Espagne • Grèce • Turquie • Belgique • Suisse • Roumanie • Allemagne • France
Pour des raisons de moyens, de communication (seul le français est parlé par les représentants des obédiences), nous n’avons pas pu étendre dans cette première étape à des SS∴ et FF∴ d’autres pays. Mais la volonté de recruter d’autres membres et évidentes, pour que l’enrichissement soit permanent et constructif. Le but étant bien entendu de ne pas se limiter à des débats franco-français, qui n’enrichiraient pas outre mesure notre réflexion, mais risqueraient de nous figer dans une position qui ne nous permettrait pas d’observer avec suffisamment de lucidité et d’objectivité les positions que les autres nations ont a l’égard de la laïcité.
L’origine étymologique du mot laïcité est le terme grec, « laos », qui désigne l’unité d’une population, considérée comme un tout indivisible. Le laïc est l’homme du peuple, qu’aucune prérogative ne distingue ni n’élève au-dessus des autres. L’unité de « laos » incorpore en elle-même simultanément un principe de liberté et un principe d’égalité. L’unité du peuple, conjugue donc la liberté de conscience des individus qui le composent et leur égalité de droits dans les affaires publiques.
On sait que le vocable démocratie contient un autre terme, le terme « demos », qui recouvre cette fois-ci le peuple entendu comme communauté politique. Démocratie et Laïcité, en un sens, renvoient donc à la même idée : celle d’une souveraineté du peuple sur lui-même.
La laïcité à la française
Il est important de faire un rappel sur comment c’est construite notre conception de la laïcité. Cela permettra de voir en quoi, ce particularisme n’est pas interprété a priori par l’ensemble des populations européennes ni pas les dirigeants des Etats. C’est tout au long d’un parcours de plus de deux siècles que s’est bâtie cette conception qui a permis à ce qu’existe en France la paix religieuse.
Trois grandes ruptures ont engendré ce qu’il est convenu d’appeler « la laïcité à la française ». La première est celle provoquée par la Révolution lorsque le pouvoir de l’Etat passe du Roi à la nation. Elle affranchit l’individu et elle sépare l’église de l’Etat. L’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 aout 1789 consacre cette évolution : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’émane expressément du peuple. »
La deuxième rupture est la séparation des églises et de l’école. L’instituteur à l’école, le maire à la mairie et le prêtre à l’église. Edgar Quinet , auteur de la dictée « Aucune machine ne vous dispensera d’être un homme », disait que l’instituteur laïque doit-être « le précepteur du souverain », c’est-à-dire du peuple. Il s’agit bien de former des citoyens critiques, munis des outils qui leur permettront de perfectionner la République.
La troisième rupture est la séparation des Eglises et de l’Etat appliquée par la loi du 9 décembre 1905 que nous célébrons aujourd’hui. Ferdinand Buisson traduisait cette séparation comme étant ce qui « substitue à un partage d’autorité entre deux pouvoirs rivaux, la distinction entre deux fonctions qui n’ont pas lieu de se heurter. Le pouvoir est exclusivement civil, puisqu’il n’est que la nation se gouvernant elle-même et elle seule. »
Toute cette histoire a produit l’article 1er de la Constitution de la République du 4 octobre 1958 qui formule que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Il évoque bien le lien qui unit chaque citoyen français à ces principes fondamentaux et par delà à l’histoire de ce pays, dans laquelle la philosophie du Siècle des Lumières n’y est pas pour peu.
Il est temps de dire à tous ceux qui n’ont de vision de la société que jusqu’aux limites de leur entendement, de leurs points de vue ou de leurs convenances personnelles, qu’ils viennent partager avec les laïques ce débat pour imaginer une société d’échanges, de partages et de connaissance de l’autre. Il s’agit d’une démarche citoyenne, d’un débat trop souvent confisqué au peuple, qui pourtant a été déclaré souverain par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Dans le reste de l’Europe
Seuls 3 pays sur 27 ont inscrit une forme de Laïcité dans leur Constitution : outre la France, la Belgique et le Portugal. Les autres pays, même s’ils peuvent reconnaître la liberté de conscience, accordent tous une place à la religion dans leurs institutions publiques. Ils ont peu ou prou partie liée avec les églises et entretiennent avec elles des rapports organiques, si bien que la séparation des Eglises et de l’Etat, n’a de réalité qu’en France. Nombre de Constitutions européennes trouvent leur source dans la transcendance : le roi du Danemark doit appartenir à l’Eglise évangélique luthérienne, religion d’Etat. La reine d’Angleterre est chef de l’Eglise anglicane qui a le statut d’Eglise établie. Celle-ci dispose d’une représentation constituée de 26 ecclésiastiques au Parlement, membre de la Chambre des Lords.
En Grèce, la Constitution a été promulgué au nom de la « Sainte trinité, consubstantielle et indivisible ». L’orthodoxie est la religion officielle et même s’il n’existe pas d’impôt cultuel, le gouvernement paie les salaires, les retraites et la formation religieuse du clergé, finance l’entretien des églises et accorde une reconnaissance particulière au droit canon orthodoxe. Par contre, il émerge de plus en plus la nécessite d’élaborer une vraie laïcité. Il y a quatre ans que l’enseignement religieux n’est plus obligatoire et les enfants peuvent en retirés après une déclaration écrite de leur part ou de leurs parents, en en invoquant la liberté de conscience. Depuis août 2008 il n’est plus nécessaire de le justifier en invoquant la liberté de conscience, on peut juste demander que les enfants ne reçoivent pas un enseignement religieux L’article 5 de la Constitution Grecque de 1975 dispose que: «Tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique jouissent de la protection absolue de leur vie, de leur honneur er de leur liberté sans distinction … de conviction religieuse ».
La Constitution irlandaise proclame elle aussi « au nom de la très Sainte trinité, dont dérive toute puissance». En Belgique et au Pays-Bas, la Constitution est fondée sur ce qu’on appelle le système de « pilarité ». Elle assure la liberté de conscience et la laïcité est reconnue mais il s’agit d’une laïcité conçue de façon radicalement différente qu’en France puisqu’elle ne forme qu’un pilier de la société parmi d’autres.
La Constitution belge est avant tout le résultat d’un compromis historique conclu entre les libéraux et les catholiques de l’époque. De nombreux catholiques ont en effet compris qu’un retour aux traditions de l’Ancien Régime voir à un Etat théocratique était dépassé et qu’il convenait d’opter pour un Etat démocratique où les libertés publiques de religion, de conscience, d’enseignement, de presse et d’association seraient constitutionnellement garanties. Le régime adopté par le constituant se caractérise par une séparation fictive et une indépendance mutuelle entre l’Etat et les Eglises.
Trois articles de la Constitution consacrent les principes fondamentaux qui régissent ces rapports :
- L’article 19 de la constitution garantit la liberté des cultes, leur exercice public et la liberté de manifester ses opinions en toute matière.
- L’article 20 prévoit que « nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos ».
- L’article 21 stipule que l’Etat n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination, ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque. Il prévoit également que le mariage civil devra en principe toujours précédé la bénédiction nuptiale.
Leur concrétisation implique la reconnaissance pour chaque individu d’une sphère d’autonomie que l’Etat doit respecter et garantir par tout moyen et notamment en assurant une égalité de traitement à l’égard de chaque individu et de chaque groupe particulier. L’adhésion ou non à une religion relève de la sphère privée de chaque citoyen. Malgré ces préceptes constitutionnels la religion catholique a continué et continue à bénéficier d’une situation privilégiée. Ce qui a amené il y a moins d’un an une nouvelle initiative parlementaire au travers d’une proposition de loi, destinée à préciser les principes constitutionnels et d’exiger la séparation effective des Eglises et de l’Etat.
L’Autriche, l’Italie et l’Espagne sont des pays concordataires. En Allemagne, le contribuable verse un impôt cultuel sauf s’il abjure sa confession d’origine. Quant au Portugal, dont la constitution prévoit la séparation des Eglises et de l’Etat, il reste régi par un concordat avec le Saint-Siège depuis 1940.
Les pays d’Europe de l’Est sont marqués par un fort retour du religieux. La Pologne par exemple où fut signé en 1993 un concordat avec le Vatican. Depuis l’Union Européenne a fait pression pour que la Constitution Polonaise votée en 1997 comporte le respect des droits humains, dont « l’égalité de toutes les religions ». Mais dans les faits, le concordat et la situation politique donne un énorme pouvoir à l’Eglise catholique. Le précédent gouvernement projetait même de soumettre tous les projets de lois élaborés au parlement au contrôle préalable de l’Eglise : l’Etat polonais serait alors entièrement passé sous la coupe du Vatican.
N’oublions pas chez nous, le statut particulier de l’Alsace et Moselle soumises au concordat de 1801. Les ministres du culte (curés, évêques, pasteurs, rabbins…) sont rémunérés par le Ministère de l’intérieur. Leurs pensions de retraite sont versées par le Ministère de l’économie et des finances. Ils sont logés par les communes. Mais ils ne sont pas fonctionnaires.
Si, d’une manière générale, on doit bien convenir que dans tous les pays il s’opère peu à peu, très lentement, une distanciation entre les Eglises et l’Etat ou – une certaine distanciation – on est loin, très loin, Les différentes perceptions de la laïcité en Europe 17/02/2009 du modèle français qui reste un modèle isolé et menacé par le processus d’intégration. Il existe un arsenal juridique répressif dans un certain nombre d’Etats européens comme les incriminations visant le délit de blasphème tels ceux contenus dans l’article 166 du code pénal allemand et dans l’ article 188 du code pénal autrichien, mais aussi comme dans l’article 140 du code pénal danois qui prévoit la possibilité de détention de celui qui, publiquement, ridiculise ou insulte le dogme ou le culte d’une communauté religieuse. En Finlande, l’article 1er du code pénal punit de réclusion quiconque ‘aura publiquement blasphémé Dieu’ et des dispositions de même nature se retrouvent dans les législations pénales grecques, irlandaises, italiennes, néerlandaises, suédoises ou norvégiennes. Même en France, le blasphème est puni à travers l’article 266 du code local d’Alsace-Moselle.
Le Conseil de l’Europe encourage quant à lui ses Etats membres à refuser le relativisme culturel et rappelle la primauté de la séparation des églises et de l’Etat et des droits de l’homme. Il les incite à veiller à ce que la liberté de religion ne soit pas acceptée comme un prétexte notamment à la justification des violations des droits des femmes et condamne toute coutume ou politique fondée sur la religion.
Les réflexions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 2005 (recommandation 1720 du 4 octobre 2005, article 1) indiquaient que l’Assemblée « réaffirme avec force que la religion de chacun, y inclus l’option de ne pas avoir de religion, relève du domaine strictement privé. Cependant, cela n’est pas incompatible avec la constatation du fait qu’une bonne connaissance générale des religions et par conséquent un sens de la tolérance sont indispensables à l’exercice de la citoyenneté démocratique ».
Les six conclusions du rapport de l’espagnol Lluis Maria de Puig du Groupe socialiste, rapport adopté part la commission à l’unanimité le 31 mai 2007 sont très claires :
• L’Assemblée doit saisir cette occasion pour réaffirmer les principes de séparation entre Etat et église et de prééminence des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit sur tout principe religieux
• L’Assemblée doit aussi encourager l’évolution dans nos Etats et la modification des législations dépassées sur les religions.
• Les religions devraient aussi évoluer à la lumière du changement scientifique et social, tenant compte des bouveaux droits et de nouvelles valeurs civiques.
• Il doit y avoir une parfaite compatibilité entre le libre exercice de toutes les religions d’une part, la démocratie et les droits de l’homme d’autre part.
• Il ne peut y avoir d’opposition ou d’incompatibilité entre religion, démocratie et droits de l’homme.
• Le Conseil de l’Europe doit encourager et faciliter le dialogue interculturel et tenir compte de la dimension religieuse en tant que réalité culturelle et sociale en Europe. Il ne lui appartient pas de se prononcer en matière de dialogue interreligieux.
Ces 6 conclusions ont abouti au vote d’une recommandation :
« La recommandation 1804 du 29 juin 2007 dans son article 4 stipule que « l’Assemblée réaffirme qu’une des valeurs communes de l’Europe, qui transcende les différences nationales, est la séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est un principe généralement admis qui domine la vie politique et institutionnelle dans les pays démocratiques ».
Article 8 : « dans le respect du principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat, elle estime cependant que le dialogue interreligieux ou interconfessionnel n’est pas du ressort des Etats ou du Conseil de l’Europe ».
Article 17 « les Etats ne peuvent pas non plus accepter la diffusion de principes religieux qui, mis en pratique, impliqueraient une violation des droits de l’homme ».
Cela dit, l’Article 23.2 appelle les organisations religieuses comme acteurs de la société civile à jouer un rôle actif en faveur de la paix, de la coopération, de la tolérance, de la solidarité, du dialogue interculturel et de l’expansion des valeurs du Conseil de l’Europe, alors que l’article 23.3 indique que « L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de réaffirmer le principe d’indépendance du politique et du droit par rapport aux religions ».
Les conclusions
Nous pouvons donc voir que la laïcité, telle que nous la concevons en France, est loin de faire l’unanimité tant par son application que par la représentation que les citoyens des autres pays peuvent s’en faire. En conséquence, il s’agit d’un principe que nous devons faire partager. Bien entendu, pas en tentant de l’imposer comme beaucoup voudrait le faire, il s’agirait là d’un acte antilaïque, car devenant ainsi concept dogmatique, ce qui est à l’encontre de nos convictions, mais en démontrant que la laïcité représente bien un principe de neutralité dans lequel toutes les convictions peuvent s’exprimer. Primo Levi disait : « Il faut nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voix que celle de la raison ».
La laïcité n’est pas un courant philosophique, pas plus que politique en opposition ou même en complément aux autres. Elle est sur un autre plan, elle représente le lieu dans lequel peuvent coexister toutes les libertés, elle autorise tous les systèmes de pensée. Nous voyons bien là pourquoi les postures dogmatiques, communautaristes ou réductionnistes n’acceptent pas qu’un tel territoire puisse exister. Par principe et pour pouvoir la combattre, elles tentent de définir la laïcité comme un mouvement ou un courant idéologique. Si la laïcité est un objet limité par la représentation que l’on peut s’en faire, elle est un principe universel par l’espace de liberté qu’elle offre. Universelle parce qu’elle répond aux attentes de tous ceux qui recherchent un lieu de débat : elle est le creuset où se construisent les idées. Elle est le principe destiné à faire valoir toutes les libertés : individuelles et collectives.
Pour cela, l’éducation laïque est fondamentale dans le développement de la population : elle donne les moyens de comprendre la complexité des relations sociales, de libérer la pensée, de se situer dans la société en dehors des contraintes culturelles ou communautaires. Grâce à l’éducation laïque, le citoyen peut remettre en cause pour sa propre compréhension du monde, les frontières des territoires, des communautés et des groupes culturels afin de mieux les connaitre. Car c’est par la confrontation des différences que l’on enrichit la pensée. Alfred North Whitehead disait que « dans la logique formelle, une contradiction est l’indice d’une défaite, mais dans l’évolution du savoir, elle marque le premier pas du progrès vers la victoire. » Les prétentions des dirigeants à régler les problèmes de la société en lieu et place du peuple, où l’on répond dans l’urgence et dans l’émotion aux effets de politiques inadaptées, enfermés, verrouillés, clivés dans des certitudes, ne permettent plus d’imaginer d’autre perspective. Effectivement, il est plus facile de rendre le corps social défaillant en le privant de culture et d’éducation plutôt que de le responsabiliser en le formant à la citoyenneté comme le recommandent tous les principes républicains.
C’est en cela que la laïcité a toute sa place comme lieu de référence de l’expression de la citoyenneté européenne, en étant le creuset dans lequel se construisent toutes les libertés, individuelles et collectives. C’est aussi à partir de rencontres et de confrontations d’idées, d’idéaux que l’on pourra imaginer une véritable citoyenneté européenne et surtout dynamique. En effet, rien n’est plus mouvant et imprédictible qu’une société au simple fait que les populations qui la composent évoluent, apprennent, découvrent, se métissent. Et quelles sont les limites de la cité : la ville, la communauté, la région, l’Etat, l’Europe ? Pourquoi ne pas la définir plutôt comme le consensus du vivre ensemble ? Quel est le bon citoyen : est-ce le vrai français de souche qui se délocalise en Suisse ou ailleurs pour ne pas payer d’impôts ou l’espagnol, l’italien ou le roumain qui vit en France en respectant les lois mais aussi et surtout les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, triptyque de la République ? Voilà pourquoi définir exhaustivement ce qu’est la citoyenneté peut présenter un biais, alors qu’il est évident que l’on ne peut plus parler que de communauté de valeurs et de moins en moins de communauté de territoires.
La laïcité est l’environnement pertinent dans lequel se dynamise la boucle qui s’établit entre la société et le citoyen, où en permanence l’un façonne l’autre, l’un fait évoluer l’autre. Ni la définition de la citoyenneté, ni même de la société sont des concepts figés, gravés dans le marbre. Ils sont en mouvement continuel. Cette dialectique m’amène à penser que la laïcité est un droit imprescriptible, inviolable et inaliénable de la société au même titre que les droits fondamentaux le sont pour les citoyens. C’est justement ce que la laïcité peut faire valoir au niveau de l’Europe : une vision politique à long terme, en particulier celle qui nous permet d’avoir un projet commun, respectueux des libertés individuelles et des droits fondamentaux, conformes à la souveraineté des peuples, cette vision ne peut ni ne doit être imposée.
On apporte ainsi une réponse au Président de la Communauté Européenne Jose Manuel Barroso, qui dans une lettre adressée le 20 juin 2008 au Rassemblement Maçonnique International d’Athènes, interpellait les obédiences, en particulier avec ces propos : « Les institutions et pouvoirs publics ne peuvent pas assurer seuls les conditions d’un dialogue interculturel fructueux, qui est indispensable à la cohésion de nos sociétés multiculturelles et au rayonnement de nos valeurs dans le monde. L’Europe a besoin de la contribution de tous les acteurs de la société civile qui partagent ses valeurs. ». La laïcité est un des principes fondés sur l’Egalité de toutes et de tous, un des principes qui sont universels : ce doit être le message incessant de l’Europe.
Nelson Mandela disait: « Etre libre, ce n’est pas seulement se libérer de ses chaines, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. » C’est cette liberté que nous exigeons pour vivre dans un Europe laïque porteuse d’idéaux communs, sans distinction de croyances, de cultures ou de communautés.
COMALACE a permis de labourer le terrain pour recueillir les éléments-clés de notre patrimoine commun, de tracer le contexte dans lequel devront évoluer les européens pour vivre en harmonie, en liberté et dans le respect de l’interculturalité. Cette deuxième étape est celle qui nous amènera à construire une citoyenneté universelle dans laquelle toutes les femmes et tous les hommes seront Sœurs et Frères en humanité. Franc-maçonnes et Francs-Maçons européens, imaginons cette nouvelle communauté de valeur pour vivre ensemble.