Réunion de l’Union Maçonnique Méditerranéenne (UMM) à Rome le 13 Avril 2018
Vous pouvez télécharger le document en pdf en cliquant sur le lien suivant : Les défis de l’Europe de la Méditerranée pour le futur
Les défis de l’Europe de la Méditerranée sont de plusieurs ordres, se posent sur plusieurs plans et obéissent à des dynamiques différentes mais, dans la perspective humaniste qui est la nôtre, nous devons les positionner dans une approche de valeurs partagées que tous et toutes peuvent revendiquer pour faire avancer les progrès de l’Humanité.
Pour des raisons de simplification, nous poserons les défis sous trois aspects, après avoir listé les problèmes les plus ardus pour l’économie et la société, pour l’environnement, ceux qui concernent la culture/les idées et nous terminerons par les approches différentes que nous pouvons avancer pour relever les défis.
– Pour l’économie et la société : nous savons que les deux grands systèmes qui ont prévalu au sein de l’Europe de la Méditerranée, le capitalisme et le socialisme, en tant qu’institutions officielles, après crises et promesses non tenues sont, pour le1er, à bout de souffle après avoir généré crises et profondes inégalités, et pour le second, disparu dans le pays même qui l’a fait naitre : la Russie. Les sociétés de la Méditerranée sont profondément inégalitaires, notamment pour les femmes comme nous l’avons vu l’an dernier, en particulier dans les pays du sud. Ces sociétés obéissent surtout à des projets privés, loin de l’intérêt général, où le capital humain est quantité négligeable. Dans ces sociétés, pour la majorité des gens, les besoins humains les plus élémentaires comme l’accès à l’eau, la santé, l’éducation sont sujet à spéculation et restent des éléments relevant du luxe. Il en est souvent de même pour l’accès au travail.
– pour l’environnement, même si la société civile a largement et heureusement investi ce domaine, des champs d’ordures non traitées s’épanouissent partout, au mépris de la santé et de la pureté des eaux, tandis que la Méditerranée est la deuxième mer la plus polluée du monde, en particulier par les plastiques et les résidus de pesticides qui sont amenés à la mer par le ruissellement des eaux. Plusieurs espèces ont disparu et, cette mer qui fait partie du 7ème Continent, est devenu un cimetière pour les peuples du sud que le changement climatique, l’exploitation des richesses, les guerres poussent vers le Nord pour fuir des situations inhumaines.
– pour la culture et les idées, aucune grande idée émergente n’a permis de bâtir un programme qui donne aux citoyens un projet commun, malgré des actions-phares dans certains pays. L’Histoire de l’Europe et de la Méditerranée reste à écrire, comme lien civilisationnel pour rendre aux pays leur Histoire et aux peuples leur grandeur. Dans cette situation politique, majoritairement marquée par le profit, par la peur de ce qu’on ignore, par la recherche d’une Identité soi-disant perdue, par la crainte des migrations, les populistes de tout poil ont trouvé un vivier pour planter les graines de la haine, de l’exclusion, de la zizanie entre les peuples, aidés en cela par tous les idéologues et activistes de la terreur.
Pour Nous, Francs-Maçons, comment relever ces défis qui sont prégnants et portent en germe, la perte des valeurs issues du siècle des Lumières et qui sont les nôtres depuis trois siècles… Sur ce dernier plan, je donnerai volontiers la parole à F. Vallat, président de SOS-Méditerranée qui disait le 29 mars 2018 à Sète à propos de l’Aquarius, navire qui évite le naufrage de migrants en Méditerranée, «On nous parle beaucoup, avec la venue des migrants, de menace pour notre identité mais c’est aussi cela l’identité de l’Europe, des valeurs républicaines, de démocratie et d’humanisme, c’est le creuset de ce qui nous unit. Si nous laissons les migrants se noyer, cela équivaut quelque part à noyer notre âme et nos valeurs. Nous en paierons un jour les conséquences ».
Les francs-maçons du DROIT HUMAIN portent dans leurs gènes l’internationalisme et la mixité. Ces démarches de solidarité font écho à nos engagements mais c’est à une autre échelle qu’il convient de faire des propositions pour des actions inter-états, concrètes et pérennes. Et sur ces domaines, il est essentiel d’affirmer que l’Europe, ou le manque d’Europe, est grandement néfaste à toute entreprise commune des États.
– En matière de géostratégie globale, le 1er défi de l’Europe, qui est une zone de libre échange pour ceux qui ont les moyens financiers de se développer, est de devenir un vrai projet commun entre tous les peuples et pays d’Europe (qu’ils soient membres ou non de l’Union) pour développer une civilisation de partage, de fraternité, de respect, en repensant les fondamentaux qui ont donné naissance à l’Union :
– avec une vraie politique culturelle et l’écriture d’une Histoire commune où les bienfaiteurs de l’Humanité auraient plus de place que les généraux d’empire ; avec la ré-affirmation des valeurs fondamentales inscrites dans les traités,
– avec une politique extérieure commune et des moyens attachés à cette politique, pour que l’intérêt général prévale sur les intérêts privés,
– avec une politique de voisinage authentique pour les pays de la Méditerranée et une gouvernance des programmes associant les ONG et les associations de la société civile de ces pays, notamment les associations de femmes,
– seule une politique de co-décision et de co-développement pourra permettre de financer des projets (pas des états) pour que les populations puissent vivre et travailler dans leurs pays, sans devoir émigrer vers des mirages, en passant parfois par de vrais enfers (comme la Lybie).
– En matière d’économie et de développement, les analyses soulignent toutes que le système commun à ces pays de l’Europe et de la Méditerranée est «à bout de souffle», miné par les inégalités de développement, l’enrichissement de quelques-uns au détriment du plus grande nombre, les crises, les systèmes de corruption, etc.
– Les Économistes libres rejettent à la fois la capitalisme et le socialisme tels qu’ils ont été développés parce qu’ils sont préjudiciables pour les humains et porteurs d’inégalités.
– A nous de travailler avec les plus représentatifs de ce courant pour faire émerger une autre approche de développement portant à la fois sur l’économie, la société, l’environnement et une gouvernance qui associe les citoyens.
– En matière d’environnement, il est urgent de se donner les moyens, pays par pays, d’un observatoire de l’environnement et de la biodiversité qui puisse également quantifier le non-respect des règles communes. Et qu’il y ait des sanctions significatives pour les pays qui enfreignent les lois ou font du trafic avec les ordures en polluant des pays qui n’ont pas les moyens de traiter ces ordures.
En guise de conclusion, nous voudrions souligner qu’au DROIT HUMAIN, nous nous efforçons, tant dans le cadre de nos engagements européens que dans celui de nos réflexions sociétales, de poser une autre approche des économies, de la propriété et du développement. Cette réflexion s’appuie sur l’analyse des «biens communs» dont le prix Nobel d’économie Elinor Orstom a souligné l’importance. Les travaux d’Elinor Ostrom, sont autant une critique de l’économie de marché qu’une charge contre l’économie étatique. Ils ont mis en lumière que, dans diverses régions du monde, des exemples fructueux d’une troisième voie sous la forme de systèmes autogérés d’action collective existent et que les personnes libres ne sont pas aussi impuissantes que les théoriciens l’ont cru.
Depuis la fin du XXe siècle, l’approche des biens communs apparaît comme une voie de sortie à la crise structurelle des sociétés contemporaines, notamment en ce qui concerne la gestion durable des ressources naturelles et le partage des connaissances, qui sont des domaines stratégiques (richesses matérielles ou immatérielles). Des communautés de personnes s’organisent dans le monde entier pour gérer durablement des ressources partagées et communes.
Pourquoi ne pas développer cette approche nouvelle des systèmes ? Pourquoi ne pas devenir une force de proposition sur ces questions innovantes bien qu’anciennes, pour certaines ?
Pour relever ces défis, tant en Europe qu’en Méditerranée, les vieux systèmes ont fait faillite. N’oublions pas que nos prédécesseurs étaient des pionniers, en tant que francs-maçons et en tant que citoyens !!