L’engagement maçonnique

le 25 février 2012,

La formulation même du thème de réflexion a de quoi nous interpeller : il y aurait une spécificité « maçonnique » de l’engagement des franc-maçons qui pourrait le distinguer d’autres engagements…Mais avant de répondre éventuellement à cette interrogation, encore faudrait-il s’entendre sur cette notion d’engagement.

Si l’on en croit le Robert culturel l’engagement c’est « l’action de se lier par une promesse ou par une convention ». Mais c’est aussi se lancer dans une entreprise, prendre position devant les problèmes de son temps, pénétrer dans un espace peu sûr ( s’engager dans un défilé, s’engager sur une voie rapide…), entrer dans la bataille pour des militaires. En sport, l’engagement est synonyme de coup d’envoi…

Si l’on voulait trouver un point commun à ces différentes significations du verbe s’engager, on pourrait désigner le fait que dans tous les cas cela suppose une action volontaire et, d’une certaine manière, incertaine quant à son résultat.

Dans tous les cas également, l’engagement concerne un sujet dans ses relations avec les autres, avec une collectivité plus ou moins large. L’engagement suppose un certain nombre de conditions anthropologiques (I) qui se déclinent de façon particulièrement pertinente dans l’engagement en franc maçonnerie (II)

I. Les conditions anthropologiques de l’engagement

II. Il faut d’abord rappeler que l’homme est par construction un animal social, mais un animal pour ainsi dire « inachevé ».

Dans ses relations avec son environnement naturel, avec les membres de sa propres espèce et même envers lui-même, il ne dispose pas comme les autres êtres vivants d’un équipement instinctuel qui lui permettrait de s’adapter spontanément ou plutôt « naturellement » à toutes les situations.

L’homme est un animal incomplet. Pour survivre il doit s’ embarquer dans tout un ensemble d’engagements avec le monde qui l’entoure et avec les autres humains avec lesquels il est conduit à entrer en relation. C’est, si l’on peut dire le degré zéro de l’engagement. A ce titre, depuis que nous sommes venus au monde nous sommes tous engagés : dans la famille, dans le quartier, dans nos relations avec ceux et celles avec qui nous partageons une culture, des traditions, des pratiques qui nous permettent à la fois d’exister individuellement et de vivre ensemble.

Pour le dire autrement, pour survivre nous n’avons pas pu compter sur des comportements innés . Nous avons dû inventer des relations avec

– Notre environnement naturel

– Les êtres de la même espèce

– Nous-mêmes Personne n’y échappe : c’est la condition pour devenir pleinement humain. Il n’y a qu’à observer les enfants dits « sauvages » , à qui a manqué cet équipement social et culturel , pour le comprendre.

C’est ainsi, en nouant des relations complexes et réciproques que nous avons pu atteindre ce degré de développement que nous qualifions d’humain.

Mais ce degré zéro de l’engagement suppose un certain nombre de conditions :

Une capacité de décider qu’on peut appeler l’autonomie de la personne :

Un sentiment d’équilibre entre les membres de la communauté humaine avec laquelle on entre en relation, ce qu’on pourrait identifier comme le sens de la justice ;

Enfin, la reconnaissance de l’autre dans sa dignité.

Ainsi, pour se construire humainement, l’individu déficient en instincts doit se construire et construire sa relation au monde dans lequel il évolue en cherchant à nouer des relations justes avec des pairs auxquels il reconnait la dignité d’être.

C’est un peu le programme proposé par la République à travers sa devise « liberté, égalité, fraternité » , devise que la FM a fait sienne.

Donc, on peut comprendre que l’être humain est par nécessité, un être qui s’engage, c’est-à-dire qui doit nouer des relations complexes avec les autres pour pouvoir exister.

Mais, il y a différents registres d’engagement. L’engagement que je prends en passant devant le maire pour fonder une famille, celui qui me lie à un employeur, n’a peut être pas la même portée que l’engagement dans la résistance pendant la guerre ou, plus près de nous comme militant des resto du coeur.

2. Formes de l’engagement

Pour y voir plus clair, on peut distinguer deux aspects de l’engagement : l’engagement comme conduite et l’engagement comme acte.

2.1 L’engagement comme conduite

La conduite d’engagement consiste à assumer activement une situation, un état de choses, une entreprise, une action en cours. L’attitude contraire c’est le retrait, l’indifférence, la non participation.

L’engagement – conduite suppose que sont réunis trois éléments : l’implication, la responsabilité, le rapport à l’avenir.

L’implication : cela suppose que l’on se sente concerné par la réalité d’aujourd’hui mais aussi par le passé que l’on prend en charge comme si c’était le notre : on peut imaginer que celui qui s’engageait

dans la résistance, prenait en charge l’ensemble des actions et des motivations de l’organisation à laquelle il se liait en les faisant siennes.

La responsabilité : c’est le corollaire de toute action exercée en toute liberté. C’est le prix de l’autonomie de la décision d’agir. Dans le cas d’une adhésion à une organisation qui nous préexiste, il faut prendre en charge et assumer des évènements, des situations sur lesquels nous n’avons pas toujours prise directement.

C’est une des particularités de l’engagement dans une entreprise qui nous dépasse individuellement : nous sommes amenés à assumer un héritage, à le faire notre et accepter de répondre de tout ce que cette oeuvre comporte.

C’est notre implication qui rend possible notre responsabilité. On se sentira d’autant plus responsable que l’on est impliqué dans l’action collective.

L’ouverture sur l’avenir :

La prise en charge du passé ne suffit pas : le sens même de l’engagement se trouve dans la perspective d’avenir que l’on a en commun avec ceux et celles qui partagent notre engagement.

S’engager, c’est d’une certaine manière faire un pari sur l’avenir : rappelez vous l’un des sens du mot engagement : s’engager dans un défilé, sur une autoroute … Il y a toujours une part d’incertitude voire de risque…

C’est également cette ouverture sur l’avenir qui nourrit notre engagement et l’inscrit dans la durée . C’est ce que dans de nombreuses doctrines ou philosophie on désigne par l’espérance, sentiment d’un possible désirable à la réalisation duquel on travaille et qui est la justification même de l’acte par lequel nous nous engageons.

Car l’engagement est un acte.

2.2 L’engagement comme acte

Si l’engagement condition anthropologique de l’existence humaine, que j’évoquais en commençant peut être dicté par la culture, les traditions, comme c’est le cas dans les relations de transmission des savoirs, l’engagement dont nous nous occupons maintenant c’est un engagement librement choisi, résultat d’une décision personnelle.

Une décision qui a des conséquences importantes sur l’existence de celui qui la prend.

Se décider, c’est se lier soi-même en fonction d’un certain projet. Bien sûr, l’enjeu n’’a pas toujours la même portée : si je m’engage dans le club de boules ce n’est pas la même chose que si je m’engage dans l’armée ou même dans un mouvement politique radical.

Dans tous les cas toutefois, même si c’est à des degrés divers, c’est ma personne dans son entier qui est dans la balance. C’est le prix de l’implication évoquée tout à l’heure, c’est aussi la condition essentielle pour que l’engagement soit bénéfique.

On peut certainement établir une sorte de hiérarchie dans nos engagements.

Au-delà du sympathique club de boules, nous pouvons nous engager dans une profession, pour la vie avec un compagnon ou une compagne, dans un parti politique, ou pour des valeurs…

Comme l’engagement-conduite, l’engagement-acte ouvre par sa nature même sur l’avenir. Mais cette ouverture n’a rien à voir avec des prévisions. L’adhésion à une structure qui porte certaines valeurs, qui a une histoire se fait dans le présent et reste muette sur la réalité de ce qui va advenir .

Ce qui va advenir se construit dans le présent de l’engagement quotidiennement renouvelé : un peu comme la vie amoureuse d’un couple. Il n’empêche que comme pour le couple, le jour du mariage, ce sont toutes les potentialités de l’avenir qui sont convoquées, un avenir pensé sur un mode positif, conformément au principe d’espérance que j’évoquais plus haut, même si, bien entendu, ses contours ne sont pas parfaitement identifiables dans l’instant.

Dans tous les cas, c’est la personne tout entière qui s’implique dans l’engagement et c’est bien parce que celui qui s’engage en attend quelque chose qui le dépasse que cet engagement concerne la totalité de son être.

C’est bien ainsi qu’il faut comprendre ce qu’implique l’engagement dans la franc- maçonnerie.

3. s’engager dans la franc- maçonnerie

L’engagement dans la Franc maçonnerie est à la fois semblable à tout engagement et en même temps spécifique.

C’est un engagement comme un autre : il s’agit de s’intégrer à une communauté déjà existante, dotée d’un passé riche et complexe qu’il faut prendre en charge. L’accès à cette communauté suppose un certain nombre d’engagements /promesses de la part de l’impétrant, promesses qui sont matérialisées par des serments. A cet égard, ce n’est guère différent du fonctionnaire qui doit prêter serment devant l’autorité préfectorale et judiciaire. Même si dans le cas de la Franc maçonnerie ces serments sont fortement théâtralisés, ils n’ont de sens que de solenniser l’engagement du nouveau maçon et d’une certaine façon de sacraliser l’acte d’engagement.

Intégré dans une loge, le jeune maçon a devant lui un immense chantier, un chantier où il va trouver les traces laissées par ceux qui l’ont précédé, les projets de ceux qui partagent avec lui l’espace/temps de la loge et tous ceux qui le concernent directement.

En fait, pour faire court, le nouveau maçon peut être représenté comme un ouvrier qui s’engage dans deux chantiers dont il a l’intuition d’ailleurs qu’il n’en verra jamais la fin :

– le chantier de la construction de lui même

– et le chantier de la construction d’un monde habitable pour l’ensemble des humains.

Le chantier de la construction de lui-même :

J’entends dire souvent qu’il suffit de devenir meilleur soi-même pour que le monde devienne plus vivable.

Cette conception est peut être vérifiable sur nos proches, ceux qui doivent nous supporter au quotidien ! Mais est-ce suffisant pour voir l’indice de bonheur global de la société s’élever du seul fait que nous aurions personnellement progressé dans la voie de la sagesse ?!

Personnellement, j’en doute.

Si je pense que le travail sur soi même n’est pas suffisant, il n’en est pas moins nécessaire.

Comprenons nous bien, : chacun d’entre nous n’a pas attendu d’être franc maçon pour se construire : rappelez vous que, membre d’une espèce inachevée, nous travaillons depuis notre naissance à être , à devenir plutôt ce que nous sommes, à construire cette identité et ces liens aux autres que notre patrimoine génétique et instinctuel est impuissant à nous donner .

Ce que nous offre l’initiation maçonnique, me semble t il c’est l’opportunité d’approfondir la connaissance que nous pouvons avoir de nous-mêmes grâce à une méthode de travail à la fois individuelle et collective. Mais il faut être clair dans l’expression « méthode de travail », le mot important c’est le mot travail. L’engagement maçonnique, c’est avant out un engagement au travail. Au travail sur soi, bien entendu.

Le travail sur soi même est donc nécessaire,.

C’est le corollaire de l’engagement en franc maçonnerie. Mais il n’est pas suffisant.

S’en tenir là serait envisager la franc maçonnerie comme un club de remise en forme psychologique ou un centre de méditation…

C’est je crois ce qu’avaient compris les fondateurs de notre Ordre lorsqu’ils ont d’abord voulu associer les deux genres dans cette aventure humaine que constitue la franc maçonnerie et qu’ils ont clairement inscrit notre organisation maçonnique dans un souci d’ouverture, de participation au changement du monde

En ce sens l’engagement en franc maçonnerie répond bien au critère d’ouverture sur l’avenir comme je l’indiquais en commençant.

C’est ce que précise l’article premier de notre constitution internationale en rappelant que notre Ordre maçonnique veut que « tous les êtres humains puissent parvenir sur toute la terre à jouir d’une façon égale de la justice sociale dans une humanité organisée en sociétés libres et fraternelles ».

In fine, c’est cela le fond de l’engagement maçonnique. C’est un engagement sur des valeurs, sur la conviction que l’avenir peut être lui-même une promesse.

En ce sens la Franc maçonnerie est bien l’héritière des la philosophie des lumières. Elle propose une réponse à la résignation désespérée et défaitiste.

Nous savons bien à quel point la notion de progrès est fragile et source de débats riches et complexes, mais ce qui réunit les francs maçons dans leur engagement pour la construction d’un monde meilleur pour eux-mêmes et pour l’ensemble de l’humanité, c’est la conviction, base de tout engagement, que c’est possible.

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