La médecine du cerveau : à la croisée des chemins entre corps et pensée Quels enjeux éthiques ? Fiche longue – 7/12/2020

CBE018 – La médecine du cerveau _ à la croisée des chemins entre corps et pensée. Quels enjeux éthiques ? (fiche longue)

Préambule : les travaux de la commission bioéthique s’inscrivent dans le respect de la démarche scientifique, et donc dans l’état actuel des connaissances.

Introduction

Les travaux scientifiques dans le domaine des neurosciences ont connu un essor impressionnant depuis la fin du XIXe siècle, particulièrement ces vingt dernières années comme en témoignent le nombre des publications internationales et la succession de prix Nobel.

De nombreux acteurs sont impliqués dans la médecine du cerveau : les équipes de neurochirurgie, de neurologie, de psychiatrie, de thérapie cellulaire, de génétique et des sociétés savantes, les firmes pharmaceutiques ou encore les dispositifs médicaux.

En parallèle, depuis quelques années, la « Big Science », comme la nomment certains, attirent de plus en plus de sociétés privées et militaires. Fait remarquable, même si la plupart des puissants programmes de recherche sont américains, la collaboration est internationale tant les enjeux sont vertigineux et pressants devant la part grandissante en occident de maladies d’Alzheimer, de Parkinson, de Charcot ou encore les enjeux de maladies comme l’autisme, la dépression et les psychoses.

Le marché potentiel est en effet énorme car ces maladies sont responsables de plus de 10% des dépenses de santé en Europe1 et on estime que 50% des personnes auront, au cours de leur vie, une maladie neuropsychiatrique.

Toutefois, si les avancées en termes de connaissances sont prometteuses pour les maladies neurologiques et psychiatriques, elles ne sont pas encore applicables et généralisables dans le soin. Cela tient à plusieurs raisons.

D’une part, la plasticité* du cerveau humain retarde souvent l’apparition des signes cliniques d’une affection neuro-évolutive et lorsque les patients consultent, après des décennies de maladie invisible, l’intervention thérapeutique a tenté de ralentir modérément l’évolution.

D’autre part, le cerveau, à l’intérieur du crâne, est isolé du reste du corps par une barrière dite « hémato-encéphalique » qui filtre les composés et limite l’accès de certaines molécules dont les médicaments aux cellules nerveuses.

Nous sommes encore loin d’appréhender comment la connexion neuronale, par l’influx nerveux, mêlant signaux électriques et chimiques, participe à la fabrication de notre pensée et de notre intelligence. Cependant, l’engouement pour les neurosciences a suscité le développement de recherches dans des dimensions qui ne visent plus seulement l’amélioration de la santé mais bien le « contrôle » de la pensée et la « neuro- augmentation » chère au courant trans- humaniste. Ces orientations technologiques concernent des domaines aussi différents que la modification des comportements, la stimulation de l’intelligence, le marketing (commercial et politique), la justice (psycho-criminalité).

Elles soulèvent des enjeux éthiques nouveaux en interrogeant tour à tour la notion de responsabilité, d’égalité, de liberté de l’individu, et au-delà ce qui constitue la personne. La «médecine du cerveau » se range ainsi au premier rang des préoccupations en bioéthique. Notre commission a choisi de cibler son propos sur les avancées les plus récentes.

I. État des connaissances et recherches en cours sur le cerveau

Le cerveau, lieu de l’intégration et du pilotage de notre motricité, de notre sensibilité, de nos sensorialités, de notre jugement, de notre mémoire est d’une complexité à la hauteur du cosmos ! Il comprend environ 100 milliards de neurones qui établissent près d’un milliard de connexions par centimètre cube de cortex cérébral.

Chaque cellule nerveuse est connectée en moyenne à mille autres neurones. Les millions de circuits, dits linéaires, ainsi formés s’intègrent, à leur tour, dans des réseaux plus complexes. Le cerveau est tel un arbre qui cache une forêt gigantesque, tout ceci dans un volume de 1,5 litre pesant 1,5 kg, soit 2% de notre poids corporel mais consommant 20% de notre énergie.

Pour en savoir plus, de manière non exhaustive,
Les progrès les plus marquants des 20 dernières années :

  • Identification de mutations génétiques participant à des maladies neurologiques et psychiatriques (Sclérose Latérale amyotrophique, schizophrénie etc…) ;
  •   Compréhension des interactions entre environnement (épigénétique*), société et cerveau et développement des maladies ;
  •   Découverte de la plasticité du cerveau, même chez l’adulte (capacité de créer des neurones et des connexions) ;
  •   Utilisation d’interfaces entre cerveau et ordinateur pour établir une communication directe entre le cerveau et un appareil externe (ex/prothèse auditive des malentendants profonds) ;
  •   Découverte des processus biochimiques impliqués dans le fonctionnement de la mémoire ; Déploiement d’implants neuronaux ou de thérapies implantables (maladies oculaires,dégénératives type Parkinson, épilepsie, toxicomanie, douleur chronique) ; Développement de modèles animaux et d’organoïdes (cerveau miniature en culture) pour mieux comprendre les troubles neurologiques et psychiatriques.

Pour en savoir plus, quelques exemples de programmes internationaux

  • Blue Brain Project : réalise des modèles de neurones en 3D https://portal.bluebrain.epfl.ch/
  • *  Human Connectome Project : construit, depuis 2009 aux USA, une carte détaillée des connexions entre les neurones à partir de 1200 sujetshttp://www.humanconnectomeproject.org/
  • *  BRAIN (Brain research through Advancing Innovative Neurotechnologies) : réalise depuis 2013 un atlas détaillé d’anatomie de l’activité cérébrale afin de reproduire un fonctionnement par clichés dynamiqueshttps://braininitiative.nih.gov/
  • *  Human Brain Project : projet européen, initié en 2013, de modélisation mathématique pour simuler le fonctionnement cérébral par un modèle bio physique capable de reproduire les calculs et les algorithmes cérébraux, afin de réaliser une plateforme neuro-robotiquehttps://www.humanbrainproject.eu/en/
  • *  Projet Spaun (Semantic Pointer Architecture Unified Network): créé un cerveau virtuel comportant 2,5 millions neurones capable d’accomplir 8 tâches simples https://gvlt.wordpress.com/2012/11/30/spaun-semantic-pointer-architecture-unified-network/
  • *  Projets DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) : utilisent de nouvelles technologies, telles Internet et drones, pour le projet Synapse qui développe des ordinateurs à l’image de la machinerie complexe du cerveau humain. Des puces neuro morphiques ont montré des signes de plasticité et acquièrent des aptitudes identiques à celles des humains en apprentissage https://www.darpa.mil/

II-Les outils de recherche pour le soin et leurs dérives

A côté de projets ambitieux de création de modèle de cerveau, nous voudrions évoquer les approches innovantes mises en place à travers le monde pour comprendre le fonctionnement du cerveau et pour diagnostiquer et traiter les maladies qui l’affectent.

Nous soulignerons combien il paraît ambitieux de prétendre préserver, réparer, voire augmenter ce que l’on commence à peine à connaître et d’agir sans en reconnaitre les risques.

Nous allons nous intéresser plus particulièrement à certains d’entre eux :
la neuro-imagerie fonctionnelle, l’électrophysiologie ou électro encéphalogramme (EEG) et la neurostimulation.

1.Imagerie morphologique et fonctionnelle du cerveau

La phrénologie* tenta par l’étude de la forme du crâne, dès la fin du XIXe siècle, de réaliser une cartographie du cerveau suivie par les données de la radiologie classique et du scanner. Vers les années 1990, l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) a véritablement révolutionné la visualisation anatomique et morphologique du cerveau.

L’IRM peut ainsi déceler des lésions, des tumeurs, des accidents vasculaires de quelques millimètres. Son extension en IRM fonctionnelle (IRMf) a permis de passer de l’image anatomique au fonctionnement cérébral en mesurant précisément les zones du cerveau impliquées dans telle ou telle fonction.

Il est ainsi possible, en se basant principalement sur la consommation cellulaire en énergie, de déterminer lors de la réalisation d’une tâche précise motrice (mouvement de la main) – ou intellectuelle (calcul mental, prise de décision, anticipation du mouvement) ou encore affective (empathie) quelle zone ou quel circuit cérébral est impliqué.

En France, l’IRMf est réservée aux établissements de soins et de recherche biomédicale dans le cadre du diagnostic des maladies neuro-évolutives par exemple.

En revanche, certains pays ne s’opposent pas à l’usage de ces techniques à des fins non médicales pour, théoriquement, accéder aux pensées inconscientes ou secrètes.

Des images obtenues par IRMf ont été utilisées comme éléments de preuves dans plus de 600 affaires aux États-Unis où cet outil est également employé pour vérifier les résultats obtenus sous détecteur de mensonge.

De son côté, la loi française permet de recourir à l’imagerie cérébrale classique dans le cadre d’expertises pénales pour reconnaître la présence d’une pathologie.

La nouvelle loi de bioéthique de 2020 devrait ne pas autoriser le recours judiciaire à l’IRMf, non pas pour raison éthique, mais en raison de son manque actuel de fiabilité. L’utilisation de ces approches à des fins non médicales, pour tenter de lire, voire et de modifier nos pensées intimes, questionne nos principes humanistes liés à la liberté individuelle, à l’intégrité et au respect des personnes.

Alors qu’il reste des incertitudes en amont de l’interprétation de ces examens, les questions essentielles n’en demeurent pas moins les mêmes depuis des décennies : notre humanité est-elle réductible à notre seul cerveau et qu’en est-il de la préservation de notre autonomie de pensée ?

Notre « connaissance » est le résultat de notre expérience corporelle dans un environnement particulier, modulée et complétée par des processus intellectuels et de libre-arbitre.

L’utilisation des données d’IRMf, hors du champ de la médecine, détournent cette alchimie complexe de ses objectifs naturels.

2. Enregistrement et modification du fonctionnement cérébral grâce aux mesures d’électrophysiologie et à la neurostimulation

La volonté de transformer l’action, les affects et la pensée de l’homme est ancienne. Une des premières médecines du cerveau fut l’hypnose dont l’utilisation, en médecine, en psychiatrie ou en chirurgie est exponentielle. On peut aussi citer le recours à l’électrochoc* (pour la dépression grave) et surtout le développement des psychotropes*.

Dans le même sens, de nouvelles molécules, dites « Smart Drugs», détournées de leur utilisation première médicale, sont utilisées dans certains pays pour augmenter les performances cognitives de personnes non malades (ref. CCNE avis N°122).

La chirurgie n’est pas en reste avec la lobotomie* largement utilisée au milieu du XXe siècle pour traiter la schizophrénie, les conduites obsessionnelles ou l’hystérie.

L’évolution des techniques met maintenant au premier plan l’utilisation de l’électro- encéphalogramme (EEG).

De plus en plus précis, il permet par l’enregistrement de l’activité électrique cérébrale, en temps réel, d’obtenir des résultats proches de ceux de l’IRMf. Mais il est aussi possible d’agir directement sur l’activité électrique du cerveau en modifiant son fonctionnement.

Dans sa version invasive, il s’agit de la stimulation cérébrale profonde (Deep Brain Stimulation) qui permet, par l’implantation chirurgicale d’électrodes, de stimuler précisément des zones ciblées. Elle est utilisée pour traiter la dystonie douloureuse* les tremblements et les dyskinésies* du sujet parkinsonien en bout de course thérapeutique, les tremblements essentiels invalidants*.

Des essais sont en cours chez les patients souffrant de maladie d’Alzheimer, d’anorexie mentale, ou de troubles du comportement d’ordre compulsif.

Depuis la fin des années 1990, une méthode de stimulation moins invasive, car ne nécessitant pas une intervention de neurochirurgie, mais moins précise, a été développée : la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rSMT).

Elle permet, grâce à l’émission d’une série d’impulsions par un système électromagnétique à la surface du crâne, de modifier durablement l’activité de zones du cerveau. Elle est utilisée dans le traitement de pathologies douloureuses ou psychiatriques (dépression, hypochondrie, fibromyalgie, schizophrénie).

Le rapport bénéfice /risque de ces techniques de neurostimulation est insuffisamment connu.

De plus on a peu de recul pour connaître à long terme la réversibilité ou la permanence des modifications engendrées et les effets négatifs sur des changements possibles de personnalité des patients d’où les précautions à prendre chez les personnes vulnérables (ref. CCNE avis N°122). Cela souligne l’importance de l’encadrement éthique de ces pratiques. N’est-ce pas paradoxal ?

En décembre 2013, ce même CCNE, inquiet des dérives possibles, donna le terme « d’augmentation cognitive » à la volonté de l’humain à améliorer ses capacités intellectuelles. Des études ont en effet montré que la stimulation électrique transcrânienne peut améliorer les performances cognitives et l’état émotionnel de personnes en bonne santé.

Ceci est à rapprocher du neuro feedback*, concept né dans les années 1940, après que des chercheurs aient découvert, en utilisant comme témoin les enregistrements EEG, qu’il était possible de s’entrainer à modifier son activité cérébrale.

La commercialisation sans encadrement médical de ces technologies a ouvert la voie à des modifications de plus en plus élaborées d’états mentaux.

Pour autant, même si les résultats de ces techniques semblent parcellaires et modestes, et que l’innocuité de l’administration d’impulsions électromagnétiques n’a pas été évaluée à moyen et long terme, des sociétés privées, en Asie notamment, proposent des casques de stimulation qu’il est possible d’acheter pour des sommes modiques dans le but, par exemple, de préparer un examen.

A vouloir une neuro amélioration de l’humain en jouant sur la plasticité neuronale et l’alchimie synaptique, nous glissons vers la tentation trans- humaniste (cf. fiche N° 10 : transhumanisme 2015).

3. A l’heure de la médecine prédictive : biomarqueurs et génétique

Dans un autre objectif, la recherche de biomarqueurs radiologiques, biologiques, ou génétiques nous oriente progressivement vers une médecine qui se veut préventive mais qui deviendra prédictive et prendra soin du sujet bien portant chez qui l’on aura détecté le risque d’une future maladie.

Certes, ces déterminations permettront de proposer des mesures préventives (mode de vie par exemple) afin de retarder l’apparition des symptômes et de la perte d’autonomie.

Toutefois, en l’absence de traitement curatif, l’éthique du soin commande de s’interroger sur la charge anxieuse générée par ce savoir anticipé de prédiction et de son impact sur le devenir de la personne.

Cette charge mentale ne risque-t-elle pas, en effet, à son tour, d’accélérer le processus de survenue de la phase visible de la maladie ? Nous manquons singulièrement de données à ce propos.

Aussi, le principe d’autonomie face au droit de savoir est à mettre en balance avec le principe de responsabilité qui vise à épargner de la souffrance au sujet et à ne pas nuire. Fournir des informations validées et compréhensibles aux personnes permettra peut-être de faire des choix plus éclairés.

Les neurosciences sont en expansion avec la connectomique*, la cartographie de l’activité cérébrale et la simulation du fonctionnement cérébral, mais leur collaboration ne peut toujours pas répondre à la question de comment le cerveau construit la conscience, la subjectivité et la singularité de l’esprit.

Le projet de Mindscope du Allien Institute souhaite relier toutes les données obtenues par les différentes techniques de pointe développées sur le versant cellulaire.

Le séquençage d’ADN par la technique du code- barres de connexions neuronales individuelles (BOINC), mise en place depuis 2012, aide à la cartographie du connectome humain.

Cette technique, couplée à l’hybridation in situ*, permet d’étudier les connexions neuronales et les types de neurones, l’origine embryonnaire de chaque cellule, l’historique de son activité et les changements moléculaires qu’elle a subi ainsi que le type et la force de ses connexions avec d’autres neurones. Les enregistrements intra cellulaires sont également en cours de développement, notamment par les microélectrodes de haute densité (MEA) – puces contenant une centaine d’électrodes disposées en carré de sorte que chaque électrode est au seuil de l’activité d’un seul neurone – et l’IRMf, avec la technique d’imagerie calcique fonctionnelle.

Tout ceci étoffe la panoplie des technologies pour mieux écouter et observer les neurones dans leur unité, leur singularité.

Dans le domaine de l’éducation, et plus généralement du développement de l’enfant, les avancées sur les neurosciences sont aussi omniprésentes.

Les études les plus récentes montrent que, dès la gestation de l’embryon, de nombreux gènes, ainsi que le milieu auquel il est exposé (exposome) influencent son neuro-développement et par-delà ses fonctions cognitives. En cela, les recherches sur l’autisme sont particulièrement importantes.

Le rêve de certains de manipuler le génome pour favoriser les possibilités cognitives a d’importantes limitations liées à la complexité des interactions entre la génétique (pour la plupart incomprises), l’épigénétique, l’exposome* et le vécu des expériences singulières de l’individu.

4. Les Interfaces Cerveau Machine (ICM)

Une des applications potentielles des recherches en neurosciences et du développement de ses outils réside en la conception d’interfaces Cerveau-Machine ou Cerveau-Ordinateur.

Leur développement vise principalement un intérêt thérapeutique sous la forme d’implants cérébraux pour améliorer l’audition (implants cochléaires) et la vision (implants rétiniens).

D’autres neuro-prothèses sont les fruits de très récentes réussites impressionnantes comme le bras robotique ou exosquelette qui reproduit les contractions musculaires en étant directement contrôlé par le patient qui met en jeu son activité cérébrale.

Il a même été possible, dans une série d’expériences en 2013 par Rao et Stocco, d’enregistrer chez une personne une activation d’une zone cérébrale et de la retransmettre à distance chez une autre personne.

Cette expérience a d’ailleurs largement été sur- interprétée comme un phénomène de transmission de pensée, or elle n’a pas connu de développement notoire par la suite.

Les domaines d’application potentiels de l’enregistrement de l’activité cérébrale et de son utilisation par des machines/ordinateurs sont cependant très larges en particulier pour redonner de l’autonomie aux personnes tétraplégiques.

Ces recherches sur les ICM sont très coûteuses et elles bénéficient d’importants financements militaires pour rendre les armées et les combattants plus efficaces en force et en précision. Elles représentent aussi le plus grand espoir des trans-humanistes qui veulent « améliorer » l’humain en lui donnant des capacités supérieures, en le rendant immortel, soulevant ainsi de nombreux questionnements éthiques (cf.fiche de la CBE : Le transhumanisme : un progrès pour l’humanité ?).

La conception d’implants cérébraux comme approche de neuro-amélioration, portée par la société Kernel de Bryan Johnson ou par Neuralink d’Elon Musk, est cependant soumise à de grandes contraintes en termes de sécurité (implantation d’électrodes intracérébrales). Si la balance risque/bénéfice semble positive dans de nombreuses pathologies comme les épilepsies, des doutes importants existent pour des utilisations sur plusieurs décennies chez des personnes non malades.

5. L’outil dans l’outil – L’intelligence dite « artificielle »

L’intelligence artificielle (IA) est très présente en neurosciences où elle peut être vue comme un outil permettant le traitement de données complexes issues des approches d’enregistrement du fonctionnement cérébral comme décrites précédemment (IRMf, EEG). La création d’une “Intelligence Artificielle Forte” à dessein humain, c’est-à-dire consciente et capable de penser, alimente aussi tous les phantasmes.

Cette IA devra-t-elle mimer le fonctionnement de la conscience humaine, si tant est qu’on puisse la comprendre et qu’elle soit réductible à une série d’équations ?

Fiche de la CPS – L’intelligence Artificielle. Risques et Opportunités

De façon assez extraordinaire, les avancées spectaculaires d’IA battant, par exemple, l’humain au jeu de go (ref. https://fr.wikipedia.org/wiki/AlphaGo) utilisent des méthodes d’apprentissage (« deep learning ») dans lesquelles des réseaux neuronaux informatiques acquièrent progressivement des comportements qui, tout comme l’esprit humain, ne sont pas réductibles à une série de paramètres définis.

Conclusion

Face à ces vertigineuses applications possibles de la technologie sur notre cerveau, la réflexion en matière d’éthique doit s’attacher à débusquer toutes les dérives de mécanisation de l’humain et de la manipulation de son humanité. Leur utilisation, au-delà du champ de la médecine, comme la neuro-amélioration ou augmentation, pose la question de la tentation à la transgression et à la toute-puissance, et suscite de nombreux débats philosophiques sur le bien- fondé d’aller radicalement au-delà de notre condition humaine. Il existe également un risque de fracture sociale entre ceux qui pourront avoir accès à ces techniques et les autres. On pourra aussi craindre une pression sociale, voire une obligation de s’adonner à ces pratiques pour ne pas se laisser devancer.

Ne nous leurrons pas « La recherche éperdue d’une performance mue par le désir impérieux de progresser peut masquer la plus contraignante des aliénations » nous précise l’avis n° 81 du CCNE.

L’utilisation des approches modifiant le fonctionnement cérébral ou visant à « l’améliorer » pose surtout le problème du respect de l’essence de l’individu, car sa personnalité, son autonomie et son libre arbitre peuvent être altérés par ces neuro-technologies. Même si la vigilance s’impose dans ce domaine, la coopération de l’homme avec la machine, grâce à tous les outils d’aide à la décision, promet des progrès réels dans le domaine médical. Dans le domaine psycho-cognitif, la limite entre le normal et le pathologique est difficile à définir.

Qu’est-ce que la normalité en santé ?

Comment imaginer que la caractérisation, aussi fine soit-elle, des fonctions cognitives et des comportements puisse suffire à définir une personne ?

Quid de la liberté de l’individu à être différent, singulier, alors que la tentation est grande de catégoriser en termes de pathologie la singularité des comportements. Sur quels critères décide-t-on de traiter une grande timidité soudainement étiquetée phobie sociale, ou un enfant turbulent rangé de plus en plus fréquemment dans la catégorie « hyperactif » ? Méfions-nous que nos ambitions ne confondent pas la subtile notion de normalité à l’injonction de normativité.

Hippocrate fut le premier à envisager le cerveau comme siège de la conscience. Et elle est bien là, la singularité de l’Homme : sa conscience.

La conscience et son corolaire, la pensée, sont indissociablement liés au langage. La communication (quelle que soit la forme qu’elle prend) est indispensable à l’organisation de tout groupe animal « social ».

Mais le langage humain, articulé et grammatical, est une particularité strictement humaine, et sa faculté d’apprentissage est une disposition génétique, donc innée, acquise au cours de l’évolution des hominidés (théorie du langage de Chomsky).

De ce point de vue, le langage est un préalable à l’émergence de la pensée et de la conscience, dans son acception métaphysique.

La contribution fondamentale de la conscience à la condition humaine serait de renforcer l’empathie et de développer ainsi l’aptitude à coopérer les uns avec les autres.

Plus notre conscience d’être un être social est forte, plus notre conscience se développe et plus notre sociabilité est riche. Il nous reste à faire en sorte que cette capacité ne nous soit jamais soustraite.

Glossaire

*Bio feed back : se fonde sur le postulat que le cerveau émet des signaux électriques qui, selon leur fréquence, peuvent caractériser certains de nos états mentaux. Lorsque, par exemple, nous sommes dans un état calme et détendu, c’est la fréquence dans la bande alpha qui domine ; mais en état de vigilance et de concentration, c’est plutôt la fréquence dans la bande bêta. Le principe du Neurofeedback est d’apprendre, grâce à des exercices visuels ou auditifs, à “brider” certains de ces signaux et à en stimuler d’autres, selon l’effet thérapeutique recherché. Des électrodes, placées sur le cuir chevelu, enregistrent les signaux électriques émis par le cerveau, qui reflètent certains états mentaux dans lequel on peut se trouver. Ces signaux sont numérisés par un appareil relié soit à un écran d’ordinateur, si le programme d’entraînement utilise l’image (par le biais de jeux vidéo le plus souvent), soit à un casque audio s’il s’appuie sur le son (de la musique généralement), soit aux deux. Par un travail mental ou cognitif, le patient doit réussir, en augmentant l’intensité de certains signaux et en en “bridant” d’autres, à faire évoluer en temps réel l’image sur l’écran.

*Cellules gliales : localisées dans le système nerveux central (cerveau et moelle épinière), elles ont pour fonctions d’assurer le maintien de l’équilibre des neurones et de produire la myéline qui protège et isole électriquement les fibres nerveuses, et leur apportant l’oxygène et les nutriments nécessaires à leur fonctionnement.

*Connectomique : répond à l’établissement et à l’étude du « connectome », c’est-à-dire de l’ensemble des connexions inter-neuronales dans le cerveau.

*Dyskinésie : activité motrice involontaire, lente et stéréotypée affectant préférentiellement la face (langue, lèvres, mâchoire) s’étendant au tronc et aux membres parfois douloureuses.

*Dystonie : contraction musculaire involontaire entraînant des mouvements répétitifs et des postures anormales qui peuvent être parfois douloureuses et très handicapantes.

*Electrochoc traitement psychiatrique consistant en un bref passage d’un courant électrique dans la boîte crânienne

*Epigénétique : discipline qui tente de déterminer la nature et l’influence des mécanismes externes aux gènes qui influencent leur expression.

*Exposome : réponse cellulaire à l’exposition environnementale (en dehors de l’épigénétique)

*Hybridation in situ : technique de laboratoire pour localiser une séquence de nucléotides connue mono-brin (ARN ou ADN) sur une coupe histologique de tissu biologique.

*Lobotomie : opération chirurgicale du cerveau qui consistait à sectionner ou à altérer la substance blanche d’un lobe cérébral. Elle est désormais interdite dans de nombreux pays et n’est plus considérée comme une bonne pratique dans la médecine actuelle.

*Phrénologie : théorie du neurologue allemand Franz Joseph Gall (1757-1828) défendant l’idée d’une localisation différenciée des fonctions cérébrales dans le cerveau. Le mouvement phrénologique a eu ses heures de gloire et ses déboires en France de 1810-1848.

*Plasticité cérébrale : capacité de notre cerveau de modifier et multiplier les circuits de connexions, en d’autres termes, reliance* et fabrication adaptative de nouveaux circuits de connections.

*Psychotrope : se dit d’un médicament, d’une substance qui agit chimiquement sur le psychisme comme les psychostimulants, anxiolytiques, neuroleptiques, antidépresseurs.

*Reliance : définit l’état de toutes choses qui sont connectées, reliées entre elles, dans une relation interpersonnelle.

*Tremblement essentiel invalidant : ou tremblement familial, est une maladie neurologique génétique qui est la cause la plus fréquente de tremblement.

Aspect juridique

La génétique et les biotechnologies ouvrent des possibilités que nos grands-parents n’auraient pas imaginées. Elles donnent naissance à de nouveaux désirs et espoirs pour les êtres humains avec le danger de l’essor d’un marché mondial traitant le corps humain en bien matériel.

De manière sournoise, sans changement apparent de son corps, un individu pourra changer d’esprit et de pensée par une augmentation de ses facultés cérébrales. On touche là à ce qui bouscule le plus le droit d’une civilisation fraternelle, notion que le commerce ignore.

Des limites juridiques existent et d’autres sont à poser et à imposer dans les applications pratiques liées à l’extension des connaissances.

En France, le Code civil dans son article 16 rappelle que « chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ».

Les juristes qui sont interpelés par la difficulté de maintenir l’interdit de l’article 16 du Code civil insistent pour lui conférer une valeur résistant à toute autre considération.

En effet, le droit a un rôle : protéger l’être humain faible.

Le Politique doit continuer à dire à travers toutes les structures démocratiques mises en place dans ce but, que le Droit doit être ce qui protège l’humanité en réaffirmant que le corps est hors commerce dans toutes les approches scientifiques et biologiques qui auraient pour enjeu la transformation et l’aliénation du corps humain.

Sans un droit pour rappeler que la personne est hors commerce, il n’y a plus de distinction entre la personne et les choses.

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