Notre histoire

La création le 4 avril 1893 du DROIT HUMAIN naît d’une transgression au sein de la franc-maçonnerie d’alors qui ne permettait pas l’égalité, en droits et en responsabilités, de l’homme et de la femme devant l’initiation maçonnique. Depuis 130 ans, toutes les loges du DROIT HUMAIN sont mixtes ! Unique dès ses origines dans le panorama maçonnique français puis mondial, LE DROIT HUMAIN est resté, au fil des décennies, le seul Ordre maçonnique mixte international.

Publié le 16 juin 2023Mise à jour le 20 avril 2024

Sommaire

    Un héritage du siècle des Lumières

    La connaissance des origines de la franc-maçonnerie est restée longtemps imprécise tant l’imaginaire et le merveilleux, portés par des légendes, la tradition orale et la mystification de certains francs-maçons eux-mêmes, ont prévalu jusqu’au 20e siècle. Depuis, la recherche historique universitaire et académique a fait son œuvre… La franc-maçonnerie est ainsi une invention du 18e siècle, siècle des Lumières, et naît en terre anglaise. Le point de départ généralement admis pour la franc-maçonnerie moderne, encore appelée « franc-maçonnerie spéculative » (par opposition à la franc-maçonnerie opérative des chantiers du Moyen Âge) est en effet la réunion, le 24 juin 1717, de quatre loges londoniennes, qui décident de constituer une « Grande Loge ». Cette nouvelle organisation a la vocation de réunir et réguler les pratiques et le fonctionnement des différentes loges qui la constituent.

    C’est ainsi que le Grand Maître de la nouvelle structure demande à quelques érudits, dont le pasteur presbytérien James Anderson, de rédiger un document-cadre, qui est publié, pour la première fois en 1723 sous le nom de « Constitutions d’Anderson ». Leur rédaction doit également beaucoup à la plume d’un prêtre anglican d’origine française : Jean-Théophile Désaguliers.

    Constitutions d’Anderson éditées en 1723

    • Cette maçonnerie naissante, qui affirme la fraternité entre les êtres humains, n’est cependant pas ouverte aux esclaves et aux domestiques, aux athées et aux femmes. Ces Constitutions témoignent néanmoins d’une grande tolérance, notamment religieuse, pour l’époque. Ce sont les devoirs qui en constituent la partie la plus intemporelle et qui sont considérés comme le texte fondateur de la franc-maçonnerie. On y lit notamment :

    La franc-maçonnerie devient le Centre d’Union et le moyen de concilier une véritable amitié parmi des personnes qui auraient dû rester perpétuellement éloignées

    Constitutions d'Anderson publiée en 1723
    • La première partie des Constitutions concernant l’histoire mêle quelques références à des documents de corporations de métiers antérieures, des affabulations, mythes de fondation, élaborés afin de se légitimer.
    • Des liens philosophiques étroits unissent John Locke, Isaac Newton, président de la Royal Society et Jean-Théophile Désaguliers, physicien reconnu. La Royal Society encourage les découvertes scientifiques et rejette tous les dogmes qui empêchent les hommes de progresser dans la connaissance. Elle compte parmi ses membres plusieurs Grands Maîtres, outre Désaguliers, et de nombreux Officiers de la Grande Loge d’Angleterre. Dans ses principes fondateurs, la franc-maçonnerie fait donc prévaloir une méthode de travail qui pose la vérité comme un horizon à atteindre et non comme une donnée révélée.
    • La franc-maçonnerie apparaît aussi en réaction à un contexte politico-religieux de guerres, de violences, de répressions. Elle s’élève comme un mouvement de résistance apte à transcender les querelles religieuses et le dogmatisme théologique, mais aussi politique. La présence et le rôle des francs-maçons dans les mouvements d’émancipation nationale lors des révolutions des 18e (en France notamment) et 19e siècles (pour l’unification italienne particulièrement), leur participation aux mouvements de libération américains (les frères G. Washington, S. Bolivar… sont inspirés des idéaux francs-maçons), révèlent la valeur qu’ils accordent à l’indépendance d’esprit et à la défense des droits des individus.
    • Tout au long du 18e siècle, à l’instar des cafés littéraires et des salons, les loges contribuent à propager les idées des Lumières. La franc-maçonnerie a fait l’objet de rejet, et le fait encore, des Églises dominantes et des régimes autoritaires. En 1738, puis en 1751, deux papes successifs excommunient les francs-maçons accusés d’affaiblir l’Église catholique en admettant dans leurs rangs des protestants, des Juifs, des déistes… D’autres condamnations du Vatican suivent en 1865 et 1884. En 1983, l’excommunication est levée pour les catholiques maçons, qui demeurent cependant en « état de péché grave »… Pour sa part, la franc-maçonnerie n’a jamais condamné la pratique religieuse et accueille sans restriction depuis ses origines des croyants dans ses temples.
    • Dès le 18e siècle, les loges maçonniques essaiment rapidement vers l’Europe continentale, avec un fort développement en France, dans de nouvelles obédiences qui prennent leurs distances à l’égard des exigences anglo-saxonnes en proclamant œuvrer au progrès de l’Humanité. La franc-maçonnerie se développe sur tout le territoire français, colportée par des commerçants, des fonctionnaires et des militaires. Partout, des roturiers, des aristocrates, des religieux adhèrent à ce mouvement qui correspond à leur demande de liberté d’expression et de réunion, après l’absolutisme de Louis XIV.

    Les origines masculines de la franc-maçonnerie

    • Au-delà des divergences entre obédiences par rapport aux Constitutions anglo-saxonnes d’Anderson, un principe demeurait intangible, celui de la stricte non-mixité : les Constitutions d’Anderson précisent en 1723, que pour être maçon, il ne faut être « ni libertin irréligieux, ni une femme… ». Cinquante ans plus tard, le Grand Orient de France (G.O.D.F.) voit le jour. Cette obédience se crée dans la continuité d’organisations maçonniques françaises parues sous d’autres noms dès 1728. Des femmes, généralement membres de l’aristocratie, peuvent certes pratiquer une forme de franc-maçonnerie d’agrément, dans des « loges d’adoption », toutes chaperonnées par des hommes… et avec des rituels adaptés à leurs supposées spécificités et préoccupations entièrement féminines ! Dans cette « maçonnerie des Dames », on est encore très loin du principe d’égalité…

    Loge d’adoption sous le 1er Empire

    • En 1877, le Grand Orient de France abroge l’obligation de croire en Dieu pour entrer dans ses loges. Le principe de liberté absolue de conscience s’affirme à cette occasion. Cette décision coupera les liens d’une partie de la franc-maçonnerie continentale d’avec celle de la Grande Loge d’Angleterre, mère de toutes les franc-maçonneries. Cet éloignement perdure encore au 21e siècle, puisque tout le courant adogmatique et libéral de la franc-maçonnerie (dont le DROIT HUMAIN fait partie) n’est toujours pas reconnu par la grande loge d’origine de la franc-maçonnerie.
    • Deux formes de franc-maçonneries s’engagent sur des voies différentes : l’une déiste et masculine « reconnue » par Londres pour son respect des « landmarks » (principes) originels de la franc-maçonnerie ; l’autre adogmatique, évolutive et ouverte aux diversités. Actuellement, ce premier courant est notamment représenté en France par la Grande Loge Nationale Française. Le second comprend LE DROIT HUMAIN et toutes ses obédiences amies.

    Maria Deraismes reçoit l’initiation maçonnique !

    • La fondation du « DROIT HUMAIN » se situe à la fin du 19e siècle. La société française change, et des femmes accélèrent, avec quelques hommes, un processus de réflexion sur la condition féminine.

      Maria Deraismes (1828-1894)

    • À partir de 1865, Maria Deraismes, femme de lettres reconnue, journaliste et oratrice de talent, engagée dans les luttes sociales, principalement l’émancipation féminine, attire l’attention de frères du Grand Orient de France qui l’invitent à animer des conférences dans leurs loges, sous leur égide.
    • S’autonomisant par rapport au Grand  Orient de France un groupe de frères va créer en 1880 la Grande Loge Symbolique Écossaise (G.L.S.E.) qui sera à l’avant-garde de la réflexion progressiste et sociale.
    • Un frère de cette Grande Loge Symbolique Écossaise, le docteur Georges Martin, conseiller général, sénateur de la Seine, militant laïque, mène campagne pour l’admission des femmes en franc-maçonnerie. Car comment prétendre œuvrer au progrès d’une Humanité que l’on amputerait de la moitié de ses membres ? Cette question primordiale interpelle rapidement d’autres frères qui se mobilisent auprès des instances de leurs obédiences, afin de faire accepter les femmes au sein de leurs loges.
    • Face aux refus répétés, les maçons de la Loge Les Libres Penseurs du Pecq de la Grande Loge

      Georges Martin (1844-1916)

      Symbolique Écossaise décident d’intégrer Maria Deraismes dans leur loge. Ils l’initient à la franc-maçonnerie le 14 janvier 1882. Cette loge transgresse en pleine conscience l’un des principes des Constitutions d’Anderson ! Rapidement des difficultés s’élèvent au sein de la loge Les Libres Penseurs qui a commis cet acte révolutionnaire d’initier une femme, tant et si bien que plusieurs frères abandonnent cette loge qui périclite bien vite.

    • Maria Deraismes, afin de ne pas gêner la loge qui l’avait initiée et qu’on menace de fermer, cesse alors d’assister à ses réunions. Mais elle ne renonce pas davantage ! Son salon est plus que jamais un lieu de rendez-vous des francs-maçons et, plus particulièrement, de ceux qui avaient applaudi à son initiation. Chaque année, la question de l’initiation des femmes est à nouveau soulevée dans leurs ateliers respectifs et le frère Georges Martin se fait particulièrement remarquer par son acharnement, en dépit de ses échecs renouvelés. Les années passent sans que la situation ne se modifie.
    • Au bout de dix ans d’essais infructueux, Maria Deraismes et Georges Martin choisissent la voie de l’audace et d’une nouvelle transgression.

    Fronton du temple du 5 rue Jules Breton, siège du DROIT HUMAIN INTERNATIONAL à Paris

    La première loge mixte « LE DROIT HUMAIN »

    • Pour créer une loge mixte, il faut avoir des membres fondateurs et, parmi eux, des femmes initiées. Maria Deraismes convoque chez elle le 1er juin 1892 un certain nombre de femmes susceptibles de recevoir l’initiation maçonnique ; s’engage alors le processus qui conduit au 4 avril 1893. Ce jour-là, Maria Deraismes initie treize premières profanes, toutes des femmes. De profils sociologiques variés, elles ont toutes un engagement social très affirmé dans la société pour le droit des femmes, des enfants, en matière de lutte contre la misère, pour la libre pensée et les droits démocratiques… À l’issue de la cérémonie, le frère Georges Martin demande son affiliation à la nouvelle Loge en qualité de membre actif. La loge devient ainsi mixte.
    • La Grande Loge Symbolique Écossaise Mixte de France naît et avec elle la franc-maçonnerie mixte. Dès le début, du fait de titre LE DROIT HUMAIN, cette loge revendique pour tous, hommes et femmes, les mêmes droits, la justice sociale, l’éducation et l’égalité des hommes et des femmes, et promeut une méthode symbolique de travail à la portée de tous dans le monde.
    • Dans le courant de l’année 1893, l’état de santé de la sœur Maria Deraismes s’aggrave et elle disparaît prématurément en 1894, vingt-huit ans après sa première conférence au G.O.D.F. et 10 mois après la création du DROIT HUMAIN. Elle confie ce message :

    Je vous laisse le Temple inachevé ; poursuivez entre ses Colonnes, le Droit de l’Humanité

    Maria Deraismes - 1894
    • Le frère Georges Martin et les sœurs fondatrices de cette première Loge assurent la relève avec la volonté de la situer au-delà des frontières, des ethnies, des religions et des cultures. Dès 1896, une Constitution et des Règlements précisent l’intitulé de la nouvelle Grande Loge : « Obédience mixte, juridiction universelle ». Son caractère internationaliste prend alors force et vigueur. Georges Martin comprend aussi que la dimension internationale ne pourra être pleinement atteinte qu’en prenant appui sur les hauts grades, base d’un Suprême Conseil nouveau, dont le caractère de mixité inédit lui permettra de revendiquer une juridiction universelle.
    • Le 11 mai 1899, le frère Joseph-Décembre, dit Décembre-Allonier, membre du Grand Orient de France, confère en secret de son obédience le 33e degré du Rite Écossais Ancien et Accepté à dix membres du DROIT HUMAIN, dont Georges Martin. Par cette nouvelle transgression, le premier Suprême Conseil mixte au monde peut se constituer

    Le développement mondial du DROIT HUMAIN

    • D’autres loges mixtes, inspirées des mêmes principes, se créent à Paris, en province puis à l’étranger. La mixité et l’internationalisme voulus par les fondateurs ne pouvaient se satisfaire d’une Grande Loge établie sur un territoire national. L’année 1901 voit alors un changement radical d’organisation et la naissance de l’Ordre Maçonnique Mixte International LE DROIT HUMAIN. Une Constitution internationale est ensuite rédigée lors du premier Convent international organisé à Paris en 1920 avec 70 délégués représentant 25 pays. Elle accorde une autonomie et une forme libérale de gouvernement aux Fédérations nationales nouvellement créées aux États-Unis d’Amérique en 1908, en France en 1921 et tant d’autres les décennies suivantes…

    1er Convent international de l’Ordre Mixte International LE DROIT HUMAIN organisé à Paris en 1920

    • À l’instigation du Suprême Conseil, clé de voûte initiatique de cette nouvelle organisation, la création de loges s’accélère dans bon nombre de pays. D’une famille anglo-irlandaise, la sœur Annie Besant donne une forte accélération à l’ouverture de loges dans l’Empire britannique (Inde, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud…).
    • À ce jour, après plus de 130 ans, malgré les guerres, malgré les interdictions de maçonner dans un certain nombre de pays totalitaires ou soumis à des idéologies intégristes, malgré des préjugés encore tenaces, LE DROIT HUMAIN est toujours plus vivant et dynamique, se développe là où, il y a encore quelques années, personne n’aurait imaginé que des hommes et des femmes puissent se réunir pour travailler à leur progrès et à celui de l’Humanité. LE DROIT HUMAIN est présent en 2023 dans plus de soixante pays sur les cinq continents.

    Pour vous informer sur la présence et les activités du DROIT HUMAIN en dehors de France, veuillez vous rendre sur le site du DROIT HUMAIN INTERNATIONAL 

     

    Allocution du Grand Maître de l’Ordre pour les 130 ans du DROIT HUMAIN

    • Le 4 avril 2023, à la date anniversaire des 130 ans de la création de la toute première loge mixte du DROIT HUMAIN, le Grand Maître de l’Ordre, René Motro, a souhaité s’adresser à tous les membres du DROIT HUMAIN répartis dans plus de 60 pays des 5 continents.
    • Pour les non francs-maçons, son allocution est également riche d’éclairages sur les valeurs humanistes et la dynamique de progrès toujours d’actualité de la franc-maçonnerie en mixités du DROIT HUMAIN.

    Pour aller plus loin…

    De récentes émissions radiophoniques diffusées sur FRANCE CULTURE ont été consacrées à l’histoire du DROIT HUMAIN – vous pouvez les retrouver via ces liens  :

    A lire également, un article de FRANCE 3 PARIS ILE de FRANCE sur les 130 ans du DROIT HUMAIN paru le 23 janvier 2023

    Parmi les ouvrages recommandés, nous vous conseillons particulièrement :

    • Andrée Prat, Colette Loubatière, « L’Ordre maçonnique Le Droit Humain », Paris, PUF, collection Que Sais-je ?, 2013.
    • Michel Meley, « La franc-maçonnerie – Ce qu’il faut en savoir », Paris, Editions L’Harmattan, 2016
    • Annick Drogou, Dominique Segalen, « Soyez parfaites mes Sœurs ! « Paris, Editions Numérilivre, 2020
    • Le coffret « 1 siècle de franc-maçonnerie du DROIT HUMAIN » édité par Conform Editions qui présente en deux ouvrages la compilation des « questions maçonniques » et des « questions sociétales » à l’étude des loges pendant la période 1920-2020. Elles sont le fruit de la réflexion des frères et des sœurs de la Fédération française qui a su, à chaque époque, mobiliser ses membres sur les grands enjeux de leur temps
    • Les actes du « Centenaire de la Fédération du DROIT HUMAIN » célébré en 2021 (disponible via ce lien)
    • L’ouvrage collectif « Maria Deraismes, la liberté de pensée » disponible également chez Conform Editions,
    • L’ouvrage de Dominique Segalen « Genèse et fondation du DROIT HUMAIN » (Prix de l’Institut Maçonnique de France – catégorie histoire – 2016) dont voici une présentation vidéo :
    • A l’occasion du centenaire de la Fédération française du DROIT HUMAIN célébré le 6 novembre 2021, Bernard Dat a retracé un siècle de son histoire… Son exposé est à découvrir à partir de la 6ème minute de la vidéo ci-dessous et est disponible dans l’ouvrage du « Centenaire de la Fédération française » (à commander via ce lien)